vendredi 3 juillet 2009

VISITE DU MONASTERE DE VALAAM

( Saint Ignace Briantchaninov)

Comme elles sont belles les tempêtes sur le lac Ladoga, quand le ciel est clair et le soleil brillant, quand le vent, soufflant par rafales, déplace les collines humides à la surface de l’onde vaste et profonde ! Partout, le miroir des eaux se couvre de reliefs azurés, aux crêtes neigeuses et argentées. Troublé par la tempête, le lac s’anime...

En 1846, dans les premiers jours de septembre, j’empruntai un bateau pour me rendre du monastère Konevsky à Valaam. Depuis l’ouverture de la voie navigable, ce bateau assure la liaison deux fois par semaine depuis Schlisserbourg, et ceci jusqu’à l’époque mouvementée des tempêtes automnales. Le navire s’appelait justement Valaam.

Un vent frileux soufflait. Des nuages blancs couraient sous le ciel en groupes séparés, comme des vols d’oiseaux migrateurs. Au large, la tempête était grandiose. Près du rivage, elle ne manquait pas non plus de beauté : les vagues coléreuses, irritables, menaçantes, en perpétuel désaccord avec les vents, se disputaient et se jetaient avec furie sur la grève, exprimant des intentions hardies.

- Regardez comme la vague escalade la rive ! me dit le vieillard qui m’accompagnait depuis Konevets. Effectivement, la vague escaladait la rive. C’était exactement cela. Et non contente d’aller à l’assaut des pentes douces, elle n’hésitait pas devant l’énorme roc de granit qui se dressait, vertical, au-dessus de l’abîme. Et lui, depuis l’origine du monde, il était là, impassible, contemplant les tempêtes comme des jeux d’enfants... La vague atteignait deux mètres, puis quatre, et retombait épuisée aux pieds du roc, en fines gouttelettes de cristal brisé. Et à nouveau, tenace, elle renouvelait son effort toujours inutile.

Il y a quelques années, j’avais vu la tempête sur le lac Ladoga par temps couvert. Le tableau y perdait beaucoup de son pittoresque. Les eaux étaient grises, l’écume trouble et jaunâtre. La brume atténuait la force du spectacle. Il n’y avait plus ce mouvement, cette diversité. En un mot, la vie n’y était plus... Comme les rayons du soleil sont nécessaires dans ce tableau sérieux et inspiré ! Comme le soleil est beau, quand il regarde la tempête sur la terre, depuis le ciel pur et inaccessible !

Située dans l’extrême nord du lac Ladoga, l’île de Valaam est indiscutablement le lieu le plus pittoresque de l’ancienne Finlande. En vous approchant d’elle, vous découvrez un paysage tout à fait nouveau, qu’aucun explorateur n’a pu rencontrer sur les terres de Russie. La nature y est sauvage et maussade, attirant le regard par sa beauté inspirée et sévère.

Ici, ce sont des parois vertigineuses et nues qui sortent orgueilleusement de l’abîme, tels des géants postés en première ligne; là, ce sont des pentes boisées qui s’inclinent, affables, vers le lac. Venu puiser de l’eau, un ermite pose son seau pour admirer l’immensité liquide, écouter la voix des vagues, et nourrir son âme de quelque contemplation spirituelle. Une anse naturelle, tapie derrière ses murs de granit, offre le miroir de ses eaux pures et somnolentes, tandis qu’au large mugit la terrible tempête. C’est là qu’une barque pontée s’est cachée du naufrage, attendant l’accalmie et le vent favorable. Son capitaine regarde avec une curiosité indifférente les vagues en furie qui, il n’y a pas si longtemps, voulaient détruire son navire, et avec lui son bien et le destin de sa famille...

Bientôt, vous empruntez des détroits sinueux aux murs si rapprochés qu’ils ne laissent passer qu’un frêle esquif. On descend la sonde, on mesure la profondeur du couloir : quelques mètres. Plus loin, le bateau se glisse par le nord dans une baie profonde.

La navigation se poursuit. A droite, une épaisse forêt couronne les escarpements rocheux, inclinant l’auvent de ses ramures sur les eaux sombres. Comme l’ombre des arbres et des pierres sur les flots est noire ! Comme ce paysage est sévère ! Petit à petit, la baie s’élargit, offrant au regard un ovale aux dimensions imposantes. Instinctivement, on se détourne de ce tableau extraordinaire, qui plonge l’âme dans une peur inattendue, agréable, attachante.

De l’autre côté, vous découvrez soudain un vaste monastère, assis son socle de granit, tel un léger fardeau sur les épaules d’un géant. Jadis, une mousse blanchâtre recouvrait le rocher, mais les moines ont libéré le front basané de ses cheveux blancs. Dans sa jeunesse retrouvée, il est grandiose et terrible ! Des tilleuls, des érables et des ormes poussent dans les interstices de ce monde minéral. Le lierre s’accroche çà et là. Au pied du rocher fut planté un verger. Il est là, prostré, sous les cimes des arbres qui se balancent en bruissant, retenus par leurs racines de se précipiter sur les frêles plantations. Quel magnifique et étonnant tableau ! Quel bonheur de découvrir cette implantation humaine, ce lopin de terre arrosé par la sueur, au milieu de cette nature sauvage et puissante !

Parvenu dans le port, vous voilà bientôt sur la rive... Un escalier de granit est aménagé sur la raideur du coteau. Le monastère se tient au sommet, sur un vaste plateau qui descend en pente douce vers le sud. A l’ouest, du côté de la baie, il finit brutalement sur une falaise. Après l’ascension du plateau par l’escalier de pierre, une allée vous conduit jusqu’aux portes saintes. Les édifices du monastère forment deux rectangles concentriques. En pénétrant dans l’enceinte, vous trouvez sur votre droite l’église dédiée aux thaumaturges de Valaam Serge et Germain (avec leurs reliques à l’intérieur), et au-dessus d’elle, la cathédrale de la Transfiguration du Seigneur. Celle-ci est reliée par une galerie à l’église chauffée de la Dormition de la Mère de Dieu. Cette galerie abrite la sacristie. De l’autre côté de la cathédrale, au sud-est, se trouve l’église dédiée au saint hiérarque Nicolas. Sur votre gauche, en vis-à-vis des églises, se trouvent les cellules du supérieur et de certains frères. En face de vous se tiennent le réfectoire de la communauté et la cuisine. Au-dessus de votre tête, sur les portes du monastère, se dresse l’église dédiée à Saint Pierre et Saint Paul. Dans le prolongement, du côté gauche, on trouve l’hostellerie; et du côté droit, la cellule du confesseur et le vaste cellier du monastère.

Contre le mur opposé de l’enceinte sont situés l’hôpital et les nombreuses cellules destinées aux vieillards et aux infirmes. Jouxtant l’hôpital se trouvent deux églises superposées : à l’étage supérieur, l’église dédiée à la Très-Sainte Trinité, et à l’étage inférieur, l’église dédiée à la Source-Vivifiante. A l’ouest, le long du mur d’enceinte tourné vers la baie, la chancellerie du monastère prolonge l’hostellerie. Le long du mur d’enceinte oriental, la bibliothèque du monastère côtoie le cellier.

La bibliothèque de Valaam est riche, en comparaison de ce qu’offrent les autres monastères. Elle renferme un nombre important de volumes, principalement des écrits patristiques concernant la vie monastique. En revanche, elle ne peut pas fournir beaucoup de renseignements sur l’histoire de Valaam. Composée de livres réunis à la fin du siècle dernier ou au début de ce siècle, elle a perdu tous ses anciens documents. D’ailleurs, tout ce qui est ancien à Valaam a été détruit par les incendies ou par les suédois. Il est impossible de trouver sur l’île le moindre édifice qui dépasserait cent ans.

La fondation du monastère de Valaam remonte de façon certaine à une époque très reculée de l’histoire russe, comme l’attestent certains faits historiques. On sait par exemple que Saint Abraham, fondateur et premier archimandrite du monastère de la Théophanie à Rostov, vint à Valaam en 960 alors qu’il était encore païen, afin d’y être baptisé et tonsuré. La chronique de Sainte-Sophie rapporte quant à elle qu’en l’an 6671, 1163 après la Nativité de notre Seigneur Jésus-Christ, on découvrit les restes de nos Saints Pères Serge et Germain de Valaam, et qu’on procéda à la translation de leurs reliques. Un autre chroniqueur fait mention de la construction en 1192 d’une église en pierre à Valaam, par un certain higoumène Martyrios. La tradition locale voit dans les Saints Serge et Germain des moines grecs contemporains de la princesse Olga, Egale-aux-Apôtres. Si on tient compte de la détermination avec laquelle les anciens moines recherchaient la plus profonde solitude, on ne verra rien d’étonnant à une implantation monastique à Valaam, puisqu’aujourd’hui encore, l’île offre tout ce qui est nécessaire à une telle solitude.

A chaque fois que l’histoire tire de l’ombre le monastère de Valaam, on constate que les moines y mènent une vie des plus sévères (qu’ils soient ermites ou cénobites) et qu’un higoumène dirige l’ensemble. Au XIVème siècle en particulier, on y rencontre Saint Arsène de Konevets qui part en pèlerinage sur l’Athos avant de fonder le monastère Konevsky.

Pendant la seconde moitié du XVème siècle, Saint Alexandre de Svir vécut à Valaam alors qu’il était encore jeune homme. D’abord membre de la communauté, il fut ensuite hésychaste dans une grotte exiguë de la sainte île. Etait-elle naturelle ou taillée dans la roche, on l’ignore... La sainte île de Valaam est une montagne de pierre dressée dans le lac, qui se termine au nord par un rocher à pic. Elle est entourée d’un ensemble de petites îles qui gravitent autour d’elle comme des satellites autour d’une planète.

Pendant la première moitié du XVème siècle, Valaam abrita Saint Sabbatios de Solovki, qui partit par la suite pour les grandes solitudes septentrionales de la Mer Blanche, dans le désert de l’île de Soloviets, jusqu’alors inhabité. Il cherchait là-bas ce que Serge et Germain avaient trouvé en leur temps à Valaam, un Athos ou un Olympe qui ne serait pas trop peuplé, fût-ce par des moines.

Plus d’une fois le monastère de Valaam fut dévasté par les suédois; plus d’une fois le sang des martyrs arrosa la terre, après la sueur de la prière; plus d’une fois brûlèrent les saintes églises et les cabanes des moines, incendiées par la main de l’ennemi ou par imprudence. Mais la situation exceptionnelle de Valaam, et son adéquation à tous les genres de vie monastique, contribuèrent à l’incessant renouvellement de sa population. La nature elle-même l’a en quelque sorte sanctifié pour accueillir les offices divins.

Une tradition ancienne, qui semble bien fondée, rapporte qu’à l’époque ténébreuse du paganisme, on adorait les idoles sur l’archipel. Mais celui qui jette son regard sur les eaux sombres et profondes, sur les épaisses et noires forêts, sur les orgueilleux et puissants rochers, sur ce spectacle changeant et toujours pittoresque qui ne cesse de nourrir profondément l’inspiration poétique, celui-là, comparant le faste de Valaam à la pauvreté de la Finlande environnante, ne manquera pas de se dire : « Oui ! Le belliqueux et cruel scandinave doit absolument troquer ses durs instincts guerriers contre une grande révérence ! L’âme doit absolument se remplir des pensées élevées qu’apporte la religion ! »

La Tradition conduit aussi à Valaam le Saint Apôtre André qui, selon le récit de Nestor, voyagea d’abord de Kiev à Novgorod, avant de repartir pour le sud de l’Europe par la voie maritime, et trouver en Achaïe la couronne du martyre. L’Apôtre emprunta le Volkhov jusqu’au lac Ladoga, puis remonta jusqu’à Valaam où il convertit les idolâtres au Christianisme et fonda l’Eglise locale. A son départ, il laissa Serge, son compagnon, pour la diriger.

Qu’y a-t-il là d’étonnant ? Leur parole s’en est allée par toute la terre, et leur message jusqu’aux extrémités du monde (Ps.18,5), selon le témoignage rendu aux Apôtres par les Ecritures. L’oeuvre apostolique ne s’est pas limitée à un seul peuple, elle a embrassé l’humanité entière. L’attention pleine de sollicitude et d’amour des Apôtres n’était attirée ni par l’instruction, ni par l’organisation sociale, ni par la puissance, mais par le malheur de l’homme déchu, qu’il soit scythe ou barbare, juif ou grec (Col.3,11). Pourquoi dans ces conditions le Saint Apôtre André ne serait-il pas venu chez nos ancêtres les slaves et leurs voisins scandinaves ? Pourquoi n’aurait-il pas visité ce lieu qui avait attiré les cultes populaires, pour y implanter la connaissance et le service du vrai Dieu ? Pourquoi Dieu Lui-même n’aurait-Il pas suggéré à l’Apôtre cette haute et sainte intention, en lui donnant la force de l’accomplir ? L’aspect sauvage du pays et son manque de notoriété, l’éloignement et la difficulté du voyage ne sont pas des arguments assez forts pour rejeter cette Tradition ! Peu de temps après les temps apostoliques, des armées entières ont emprunté ces routes : un Apôtre conduit par la droite de Dieu et la ferveur ne pouvait-il pas les emprunter aussi ? La Tradition n’est ni sombre, ni douteuse, elle est sûre et historique.

La vie monastique et la foi chrétienne orthodoxe fleurirent beaucoup plus tôt et plus intensément à Valaam qu’un voyageur ne pourrait le comprendre au premier regard sur les lieux, ou pendant une visite superficielle. Il faut regarder avec attention, sacrifier du temps, écouter les récits des moines et des habitants des rivages, si l’on veut découvrir des renseignements dignes d’être couchés sur les tables de l’histoire, dignes d’instruire nos contemporains, dignes de demeurer dans le souvenir de la postérité. La vie monastique s’est tant développée dans l’île qu’elle a débordé par dessus le lac, sur la rive opposée où se trouve aujourd’hui Serdobol. Cette rive abritait jadis douze skites fondés par les moines du monastère et placés sous la direction spirituelle de l’higoumène de Valaam. Des églises orthodoxes se trouvaient sur le rivage du lac jusqu’à Kexhölm. Les caréliens de cette rive étaient orthodoxes, comme le sont aujourd’hui les caréliens de la rive opposée, qui dépendent du gouvernement d’Olonets. Les uns et les autres parlent la même langue à quelques détails près qui n’empêchent pas la compréhension mutuelle. Leur foi était commune.

Malheureusement, à une certaine époque, les finlandais se déterminèrent pour l’enseignement de Luther. Là où se trouvaient les églises orthodoxes, où l’on célébrait les offices divins orthodoxes, où la Divine Liturgie unissait le ciel et la terre, se dressent à présent les temples luthériens où résonne la maigre et froide prédication des pasteurs. En transmettant au peuple leur vision superficielle et scientifique du Rédempteur et de Son enseignement, ils prononcent une sorte d’oraison funèbre de la vraie foi vivante et de l’Eglise perdues par ces hommes et ces lieux. Cependant, il reste encore de vivants témoins : des villages entiers, des milliers de finlandais confessent jusqu’à aujourd’hui la foi orthodoxe. Ils écoutent les offices divins en langue slavonne, chantés sur nos livres d’église, célébrés par nos prêtres qui ne prononcent que les sermons dans leur langue maternelle, le finnois. On comprend que dans ces conditions, il n’était pas difficile pour les suédois d’introduire la foi de Luther. Les croyances étaient si naïves... Il a suffi de chasser ou de tuer les prêtres russes pour les remplacer par d’habiles pasteurs, qui firent oublier avec le temps ce trésor incomplètement assimilé.

Puissent ces précisions être bénéfiques à beaucoup ! C’est à peine si quelques-uns savent que l’orthodoxie finlandaise est vivante, qu’elle n’est pas d’implantation récente, mais qu’elle survit depuis longtemps, tel le reliquat d’un Christianisme largement implanté jadis à la place du paganisme. Beaucoup de finlandais du littoral de la Baltique gardent encore aujourd’hui inconsciemment l’amour pour l’Eglise de leurs ancêtres, dont ils ont été arrachés par la tromperie et la violence. Ils désireraient retrouver son giron salutaire, mais aucune voix ne les appelle, et le temple de Luther continue à les attirer avec violence.

Il semble que le monastère de Valaam ait joué longtemps le rôle du coeur dans ce grand corps qu’est la Finlande. La vie religieuse du pays, irriguée par le monastère, fleurissait ou se fanait conformément à la force qu’il lui communiquait.

Au début du XVIIème siècle, le chef d’armée suédois Pontus de La Gardie, qui avait déjà fait tant de mal à la Russie, ruina le monastère de Valaam, livra aux flammes les églises et les cellules, et passa les moines au fil de l’épée. Toutefois, certains purent s’échapper avec les reliques des saints fondateurs. Le littoral finlandais subit le même sort. Les églises orthodoxes furent brûlées, les serviteurs du culte tués ou chassés. Le Luthéranisme fut prêché par des gens qui respiraient le fanatisme d’une foi toute neuve, prête à se laver dans le sang de la Guerre de Trente-Ans.

Il est intéressant de remarquer que les îlots finlandais qui conservent la foi orthodoxe ne sont pas situés sur les rives du lac Ladoga (le chemin des envahisseurs) mais derrière les montagnes et les marais de la Finlande profonde. C’est là qu’on se sauvait pour échapper au regard des protestants. Nombreux furent aussi les finlandais qui passèrent en Russie pour garder leur foi : on trouve aujourd’hui leurs descendants dans les gouvernements orthodoxes de Novgorod et de Tver.

Lorsque la Providence utilisa les armées de Pierre le Grand pour châtier les suédois, entrés en Russie comme des alliés pour devenir des traîtres, le monastère de Valaam et toute la Carélie revinrent sous la protection de l’empire russe, après avoir été orphelins sous domination étrangère pendant près de cent ans. Après 1717, des moines du monastère de Saint-Cyrille du Lac-Blanc répondirent à l’appel du souverain et relevèrent les ruines de l’antique Valaam. De nouveau, on édifia un temple de Dieu et des cellules. Pendant le règne de l’impératrice Elisabeth Pétrovna, les constructions de bois furent détruites par un incendie. L’impératrice restaura le monastère avec les fonds de l’état. Les nouvelles constructions, à l’instar des anciennes, étaient en bois. J’ai vu une gravure du monastère de l’époque. Il me plait beaucoup. Il me semble que les édifices de bois conviennent parfaitement à un désert comme Valaam. Les cabanes en rondins des moines attendrissent le regard par leur humilité. Elles conviennent tout à fait au mode de vie monastique. Elles conservent la santé mise en péril par le climat humide, les vents coupants, la maigre nourriture, l’ascèse, la disposition spirituelle qui épuise la chair. Je comprends bien qu’on bâtisse en pierre une cathédrale réunissant sur deux étages une église chauffée et une froide, ainsi qu’une enceinte contre les vents. Mais que les cellules entourant l’église restent en bois, et assez éloignées les unes des autres pour éviter les incendies ! Une telle disposition autour de l’église est magnifique ! Outre sa commodité, elle met bien en évidence le but unique qu’est le service de Dieu. Les moines se savent en effet pèlerins sur la terre. N’ayant que Dieu comme nécessité, ils plantent leurs tentes autour de Son tabernacle. C’est d’ailleurs la disposition adoptée à Glinskaïa Poustin’, à Belobrejskaïa, et à Optino.

La restauration de Valaam fut lente et connut au début assez peu de succès. Les lieux restèrent longtemps peu habités. Les amateurs de solitude se tenaient à l’écart, et les moines qui se chargeaient des travaux n’étaient pas suffisamment aguerris dans la vie monastique. La solitude est certes une des conditions fondamentales du bien-être spirituel et moral d’un monastère, mais elle n’est pas suffisante. Une communauté a besoin en plus d’une bonne direction spirituelle. Sans elle, tous les profits qu’apportent la solitude sont détruits. On peut même dire qu’une bonne direction spirituelle peut remplacer la solitude. C’est le cas des monastères situés dans les grandes villes. On se souvient par exemple des monastères de Constantinople et de ses environs, qui produisirent jadis des Pères si célèbres pour leurs dons spirituels qu’ils n’avaient rien à envier aux Pères du désert.

C’est Mgr. Gabriel, métropolite de Saint-Pétersbourg, qui remarqua avec sagacité ce besoin fondamental du monastère de Valaam. Pour ce faire, il fit venir de Sarov en 1785 le starets Nazaire, qui s’était rendu célèbre pour ses connaissances et son expérience spirituelles. Il lui conféra la dignité de supérieur du monastère de Valaam. En outre, le métropolite prit le saint monastère sous sa protection, l’aida matériellement, et obtint pour lui des dispositions gouvernementales favorables. Le monastère ne tarda pas à prendre forme et à se développer, accueillant ceux qui avaient déjà prononcé des voeux monastiques ou s’apprêtaient à le faire. Une communauté et un skite s’organisèrent. Il y eut des ermites et des anachorètes. L’higoumène Nazaire avait lui-même sa cellule d’ermite. Il s’y retirait parfois des semaines entières pour observer son homme intérieur et pouvait ainsi, fort de ses expériences, instruire ses subordonnés, et les guider dans l’amendement des moeurs et la réussite évangélique. Le Père Nazaire avait été élevé et tonsuré au désert de Sarov où il s’était nourri spirituellement. Il s’efforça de faire de Valaam une réplique fidèle de Sarov. Les édifices de Sarov étant tous en pierre, il fit construire à Valaam des bâtiments en pierre. Le rectangle intérieur date de son époque, l’extérieur de ses successeurs. Les largesses des empereurs Paul Petrovitch et Alexandre Pavlovitch assurèrent le matériel. Valaam est un monastère classé en première catégorie, il est dirigé par un higoumène élu par la communauté et confirmé par le métropolite de Saint-Pétersbourg.

Dans son organisation monastique, Valaam est une réplique vivante de l’Eglise primitive. Il abrite tous les types de moines répertoriés dans l’Eglise Orthodoxe, cénobites, habitants de skite, ermites et anachorètes. Le monastère principal dont nous avons parlé comprend la communauté proprement dite. Les moines qui y logent participent en commun au Service Divin et aux repas, ils portent les mêmes vêtements, oeuvrent à des obédiences particulières ou communes.

Enumérons ces diverses obédiences. La première est celle de l’higoumène élu par la communauté et confirmé par l’évêque diocésain. Il ne s’agit pas là d’une direction de ce monde ! C’est un fardeau à la fois léger et très pénible. Les épaules de l’higoumène portent les faiblesses de toute la communauté. Quelle force doivent donc avoir ces épaules ! Quel oubli total de soi doit-il y avoir chez cet homme dont l’égoïsme pourrait être la lettre tranchante qui blesse ou tue son entourage !

La deuxième obédience est celle de suppléant de l’higoumène. Il est élu par l’higoumène assisté du conseil de la communauté et confirmé par l’évêque diocésain. C’est le bras droit de l’higoumène dans toutes les tâches de direction du monastère.

La troisième obédience est celle du trésorier qui a droit de regard sur les finances du monastère. La quatrième obédience est la gestion des vêtements. Ensuite viennent les confesseurs qui seuls sont habilités à confesser un membre de la communauté ou un visiteur. Tous les moines que l’on vient de citer sont confirmés dans leur tâche par l’évêque diocésain et forment avec l’higoumène le conseil du monastère, ou encore la fraternité des aînés. Ils participent aux délibérations les plus importantes, celles qui relèvent de l’appréciation du pouvoir diocésain.

Viennent ensuite, dans la série des obédiences, le tour de célébration des offices divins, accomplis par tous les hiéromoines et hiérodiacres hormis le second et le trésorier. On choisit les serviteurs de l’autel parmi les moines ou novices qui mènent les vies les plus pures et les plus humbles. Ceux qui ont des aptitudes pour lire à l’église ou pour chanter sont nommés au choeur. Certains hiéromoines ou hiérodiacres participent également au choeur quand ils ne sont pas requis pour la célébration des offices. Les simples moines et les novices sont nommés aux autres obédiences. Citons ces autres obédiences pour informer autant que possible le lecteur sur l’organisation du monastère. Certains frères confectionnent les habits sacerdotaux et les vêtements de la communauté. D’autres font des chaussures, travaillent à la cuisine ou à la boulangerie, à la confection des prosphores ou au réfectoire. D’autres encore s’occupent de menuiserie, de la forge ou de la serrurerie, d’autres de la pêche, des jardins, du potager, des champs. Certains font la lessive.

Certaines de ces obédiences sont accomplies par un seul frère, d’autres par plusieurs. Par exemple, on ne trouve à la bibliothèque, à la pharmacie et à la cave qu’un seul moine expérimenté. A la cuisine, à la blanchisserie, au rangement des vêtements et autres tâches du même genre, on trouve plusieurs frères, dont l’un est appelé maître et les autres aides. Certaines obédiences sont qualifiées de générales, comme la préparation du bois, les moissons, le battage du blé, les plantations, l’arrosage et la cueillette des légumes. On emploie pour ces obédiences des frères inaptes aux autres obédiences qui exigent des compétences spéciales.

Quant un postulant au monachisme se présente, on étudie son caractère, sa conduite, et ses habitudes. S’il se révèle apte à une obédience particulière, on le place dans le rang des aides, et, après de nombreuses années d’épreuve, on lui confie la tâche qui correspond à ses connaissances et à ses aptitudes.

Toute la communauté (et particulièrement les débutants) est en relation étroite et fréquente avec les confesseurs. C’est à travers ces relations que s’enracine l’esprit monastique chez les jeunes. Pour les moines confirmés, on ajoute à cela la lecture attentive des écrits des Pères et la présence assidue aux offices divins. La bibliothèque prête les livres avec la permission de l’higoumène, en fonction de l’état intérieur de chacun. Les frères occupés aux obédiences assistent aux offices divins les jours de fête. En semaine, ils viennent aux matines qu’ils écoutent jusqu’à l’hexapsalme, après quoi ils partent vers leur labeur. Après le repas du soir, ils participent à la règle commune des prières du soir.

Les offices divins sont célébrés selon l’ordo de l’Eglise. Ils se composent des matines (ou des vigiles avant les fêtes), de deux liturgies eucharistiques, une de bonne heure et une autre plus tardive, des vêpres, et de la règle de prières accomplie après le repas du soir, qui consiste en la lecture des prières avant le coucher, la lecture des diptyques et de quelques métanies. On emploie d’anciennes mélodies russes neumatiques. Ces mélodies sont lentes et solennelles, tristes comme les gémissements de l’âme repentante, qui soupire dans sa terre d’exil et se languit du bienheureux pays de l’allégresse éternelle, de la contrée de la jouissance pure et sainte. C’est dans l’ordre des choses... Ce sont justement ces mélodies et non d’autres qui doivent résonner dans un monastère dont les bâtiments eux-mêmes ont l’aspect d’une prison destinée aux sanglots, aux pleurs des captifs, aux pensées profondes, aux méditations sur l’éternité. Ces mélodies sont en harmonie avec les sombres forêts et les eaux profondes. Tantôt elles se prolongent en lamentations, douloureuses comme le vent du désert, tantôt elles disparaissent progressivement comme un écho dans les rochers ou les crevasses, tantôt elles retentissent de façon inattendue. Elles distillent une douce tristesse exprimant la plainte des pécheurs, la douleur qui accable et qui ronge. Parfois, des coups insupportables portés par le péché, jaillit la clameur qui s’élève vers le ciel, implorant l’aide. Comme cette clameur résonne ! Le solennel « Seigneur, aie pitié ! » est semblable au vent du désert : lent, triste, et affecté ! C’est le chant de l’homme déchu qui, à la faveur de la solitude et de l’examen de lui-même, constate la profondeur de sa chute, et s’adonne à des lamentations permanentes dans l’espoir d’un pardon. Le chant « Nous Te chantons » se termine par un son lent et changeant, qui diminue progressivement et se perd imperceptiblement sous les voûtes de l’église, comme un écho. Lorsqu’aux vêpres les frères entonnent le « Seigneur, je crie vers Toi », les sons surgissent de l’abîme dans un bruit de tonnerre pour s’élancer vers le ciel et y conduire les pensées et les désirs qui flamboient comme l’éclair. Un artiste trouvera le chant de Valaam très inégal, et décèlera des défauts d’exécution, mais il reconnaîtra aussi qu’il est emprunt de révérence et de piété, et d’une énergie extraordinaire qui émeut l’âme et l’incite à la componction. Tout y est imposant, grandiose. Tout ce qui pourrait être gai, léger, joyeux devient étonnant et monstrueux. Ne soyez pas effrayés de ce récit véridique ! Ne croyez pas qu’à Valaam on rencontre exclusivement le malheur ! Non ! On y trouve aussi la consolation, mais la consolation de ceux qui pleurent, comme dit l’Evangile...

Le monastère abrite sept églises. Parmi elles, l’église cathédrale se distingue par la beauté de son intérieur : le premier rang de l’iconostase est orné d’argent, les fresques polychromes sont des modèles du goût russe primitif, encore libre des influences de l’Europe. A elle seule, la cathédrale ne peut contenir l’ensemble de la communauté, pas plus qu’aucune des églises du monastère.

A la place de toutes ces églises, il eut été bien plus commode de regrouper dans un vaste édifice l’église chauffée et l’église froide, comme on l’a fait au monastère de Konevsky, en ajoutant éventuellement une autre église près de l’hôpital. On aurait pu ainsi faire participer les frères et les visiteurs à l’office divin dans un même lieu. Mais les fondateurs du monastère ne raisonnaient pas ainsi. Leur zèle exigeait des églises séparées, dédiées à Saint Nicolas, aux Apôtres Pierre et Paul, à la Source Vivifiante... Ces églises ne connaissent l’office divin qu’une fois l’an, le jour de leur fête. Dans le cas extrême de l’église de la Sainte-Trinité, l’office de la fête doit être célébré à la cathédrale, à cause de l’étroitesse des lieux.

A la fin de la liturgie, tous se rendent au réfectoire pour consommer une nourriture simple mais saine et satisfaisante, qui suit l’ordo de l’Eglise. Les jours de fête on a droit au poisson, les jours ordinaires à l’huile. Les mercredis et vendredis, ainsi que les jours de semaine du Grand Carême, on ne voit sur les tables ni huile ni poisson, uniquement des végétaux. Au cours des repas, le silence profond n’est rompu que par la voix sonore du lecteur qui décrit aux frères l’abnégation, les vertus et les exploits des saints. Le souper est servi après les vêpres, toujours accompagné d’une lecture utile à l’âme. Les jours de grande fête, une heure avant les vêpres, on offre à tous une tasse de thé que les vieillards appellent la consolation. On est touché de voir ces petits vieux infirmes, pouvant à peine marcher, tenir dans leurs mains la petite tasse en bois contenant la consolation. Le sang refroidi de ces êtres déjà retournés en enfance à soif de se revigorer au contact de l’eau bouillante. Le monastère de Valaam vit dans une grande simplicité patriarcale. Ses coutumes évoquent la tendresse du bon vieux temps, cette vieille Russie qui unissait si souvent simplicité et sainteté.

Dans la sacristie du monastère, on trouve les cadeaux généreux de l’empereur Alexandre Pavlovitch, si bien disposé pour Valaam qu’il l’honora d’une visite en 1819. En 1844, ce fut le grand duc Constantin Nicolaevitch qui visita les lieux, laissant des vases précieux en souvenir de son passage. Au centre de l’espace libre inscrit dans le rectangle intérieur du monastère, espace qui suscite un sentiment particulier de calme et de révérence, les moines ont édifié un monument en marbre portant une inscription. Celle-ci rappelle aux visiteurs contemporain et à venir le passage de l’empereur Alexandre Pavlovitch et du grand duc Constantin Nicolaevitch. Dans la cathédrale, une autre inscription signale l’endroit où Alexandre-le-Béni se tenait pendant les longs offices divins sans en ressentir de fatigue. A l’hôtellerie, on a signalé les chambres où l’empereur a résidé. Ailleurs, une inscription sur une plaque de marbre rectangulaire mentionne l’endroit où le grand duc Constantin Nicolaevitch dessinait le monastère. La copie conforme de cette pierre se trouve sur la rive opposée, dans la forêt, sous les branches épaisses des pins et des sapins, là où le grand duc termina l’esquisse entreprise dans le jardin. La vue sur le monastère y est particulièrement grandiose et pittoresque. En posant ses pierres, en gravant ses inscriptions, les moines de Valaam ont exprimé du fond du coeur un sentiment d’amour et de dévouement aux Tsars et à leur Maison, sentiment qui a été le propre du clergé russe tout au long de l’histoire.

Comme la nourriture, les vêtements des moines de Valaam sont simples mais satisfaisants. Ils sont conservés dans un local où l’on trouve les draps, les tissus de nankin, les toiles, le fil, les peaux, le linge confectionné, les habits monastiques, les mantias, les pelisses, et tout cela à profusion. Le responsable des lieux inscrit dans un livre tout ce qu’il donne aux frères. Quand les vêtements sont éculés, ils sont échangés. Celui qui vient de quitter le monde pour entrer au monastère reçoit le linge, les vêtements et les chaussures nécessaires. Il est possible de pourvoir en permanence aux besoins de cent hommes. De telles réserves sont indispensables compte tenu de la taille de la communauté, de l’isolement du monastère et des difficultés d’accès, particulièrement au printemps, avec le dégel, et à l’automne, quand les premières glaces empêchent pour un long moment toute communication avec la terre ferme. Le lac gèle chaque année entre Serdobol et Valaam, mais pas avant la mi-janvier. Toutefois, les innombrables blocs de glace qui se déplacent sur les eaux auraient tôt fait de conduire à sa perte le navire imprudent qui risquerait l’aventure.

La bibliothèque du monastère renferme tous les volumes nécessaires à l’acquisition de connaissances complètes sur le monachisme. En dehors des éditions slavonnes et russes, on trouve de nombreux manuscrits. Parmi eux la première place revient, pour sa rareté, aux « Catéchèses » de Saint Théodore Studite, l’higoumène du monastère du Studion à Constantinople. Il s’agit là d’un gros livre dont l’utilité est reconnue par l’Eglise. L’ordo prévoit même d’en lire des extraits pendant les offices du Grand Carême (Cf. l’ordo du lundi du Grand Carême). Ceci concerne bien sûr les monastères... L’amour qu’il portait à sa communauté transparaît dans les « entretiens » du Studite. Il nomme ses moines, ses pères, ses maîtres, ses frères ou encore ses enfants. Son enseignement, simple et accessible à tous, convient aux moines cénobitiques, puisqu’il aborde uniquement les diverses obligations de la vie communautaire.

On trouve aussi au monastère les écrits des pères qui traitent de la prière du coeur. Par exemple ceux de Saint Grégoire Palamas, de Calliste Antilikide, de Saint Syméon le Nouveau Théologien, de Saint Nil de la Sora (auteur russe). On trouve aussi des ouvrages qui permettent de guider les moines qui vivent en petites communautés (skite), en ermites ou en anachorètes. Tels sont les différents « Paterikon ». Parmi eux, on trouve le livre de Saint Isaac le Syrien, le célèbre maître des hésychastes, et le Florilège du hiéromoine Dorothée, qui vécut il y a longtemps. Nous citerons quelques extraits de ce livre, qui éviteront à nos lecteurs la difficulté du slavon. C’est un ouvrage d’un haut niveau moral et ascétique, et son auteur est un de nos compatriotes, même s’il est tombé dans l’oubli. Il faut sans doute être ermite pour lire et relire ce livre inspiré, plein de précieux conseils spirituels. Que retentisse de nouveau la voix de ce hiéromoine, depuis le lieu où l’a enterré notre oubli ! Que cette voix qui proclame des vérités profondes convient bien à la sévérité de Valaam !

« Ô, mon lecteur bien-aimé ! Veux-tu que je te montre quelque chose de plus merveilleux que l’argent ou l’or pur, que les perles fines ou les pierres précieuses ? Rien ne peut permettre d’acheter le Royaume Céleste, la joie et le repos éternels, rien, si ce n’est ceci: la lecture solitaire, attentive et zélée des Saintes et Divines Ecritures ! Il est impossible, vraiment impossible de trouver le salut, sans lire fréquemment l’Ecriture Sainte que Dieu lui-même a inspirée. Comme l’oiseau ne peut s’élever dans les airs sans ses ailes, l’esprit ne peut concevoir de quelle façon recevoir le salut, si ce n’est par les livres. Ses propres réflexions ne lui serviront de rien. Mais la lecture dans la solitude, l’écoute attentive et zélée du message délivré par les livres divins des Saintes Ecritures, alliées à l’intention de le mettre en pratique dans le but du salut, voilà ce qui donne naissance à toute vertu, voilà la source de tous les biens, voilà ce qui chasse de nous toute passion méchante, tout péché, toute convoitise, tout mauvais désir et toute mauvaise action, engendrés par nous-mêmes ou par les démons. Les Saints Pères attestent que la lecture solitaire et attentive des livres divins des Saintes Ecritures constitue la première et la reine des vertus ».

Parmi les divines Ecritures, le hiéromoine range non seulement les saints livres du Nouveau et de l’Ancien Testament, mais aussi les écrits des Saints Pères. Il rejoint là-dessus Saint Nil de la Sora. C’est la base de tout ! C’est d’une importance extrême ! C’est une remarque très précieuse ! De ceci découle bien sûr la nécessité absolue de se tenir instamment, non seulement à la tradition dogmatique de l’Eglise, mais aussi à sa tradition morale. Ce point de vue est partagé par tous les saints auteurs ascétiques de l’Eglise d’Orient. Ils affirment tous, d’une seule voix, qu’un cheminement sans faute sur la voie des exploits monastiques requiert un guide indispensable : les écrits des Saints Pères. C’est l’unique atout qui nous reste sur cette voie du salut après la diminution du nombre des maîtres spirituels.

Dès les premiers mots, le hiéromoine place son lecteur sur un chemin juste, sûr, saint, béni et prescrit par l’Eglise. Il décrit à son disciple le caractère précis du fils de l’Eglise d’Orient, il le fait entrer en communion spirituelle avec les saints moines de toutes les époques du Christianisme, il l’écarte de tout chemin étranger et faux. Quel magnifique caractère que celui du fils de l’Eglise d’Orient ! Comme il est simple et majestueux ! Le protestant est froidement intelligent, le romain est extasié et s’emporte facilement. Le fils de l’Eglise d’Orient est pénétré de la Sainte Vérité et de la calme Paix. Les deux premiers caractères sont terrestres. Le dernier descend du ciel et s’offre à nos regards dans l’Evangile. Le chrétien orthodoxe éduque son caractère à la lecture des Saintes Ecritures et des oeuvres des Saints Pères. Il s’imbibe de cette lecture, et devient le favori de la Vérité en communiant à l’Esprit Saint qu’Elle lui envoie.

Le hiéromoine Dorothée regarde avec sagacité le monachisme de son époque. Il fait une réflexion précieuse : « Souvent j’étais étonné de ce que les anciens Pères atteignaient le salut assez vite, devenaient parfaits, faisaient l’acquisition de la grâce. De nos jours, si peu trouvent le salut ! Voilà comment les Saints Pères s’y prenaient pour atteindre le salut et la perfection, pour acquérir la grâce et mériter le don de faire des miracles : ils suivaient de toute leur âme les paroles et les commandements du Seigneur, s’efforçaient de les accomplir en toute priorité, les gardaient en permanence présents à l’esprit... Il faut avant tout garder les commandements du Christ ! Le Saint Evangile n’est pas autre chose que la bouche du Christ qui nous parle quotidiennement. De plus, il faut garder la tradition des Saints Pères, accomplir les oeuvres qu’ils prescrivent, et par ces oeuvres fatiguer nos corps... Sans l’accomplissement des saints et lumineux commandements du Seigneur, notre Tradition et ses règles sont vaines... Celui qui ne garde pas les commandements du Seigneur rend stériles ses efforts, se prive de la perfection, de la grâce et du salut. Celui qui ne garde pas les commandements du Seigneur ne laisse aucune place en lui-même pour la grâce, il ne pourra pas atteindre la perfection. Celui qui s’adonne aux exploits du corps en négligeant les commandements est étranger à la sagesse spirituelle. Sans l’accomplissement des commandements du Seigneur, Dieu ne trouve rien en nous d’agréable. Les Saints Pères gardaient les commandements avec soin et méthode, il nous faut les imiter autant que nos forces nous le permettent » (Florilège ch. 6). Comme ses instructions sont utiles ! En se préparant pour la béatitude éternelle, chaque moine devrait les noter en lettres indélébiles sur les tables de son coeur.

La belle âme du hiéromoine exprime des sentiments sortis du coeur, son éloquence est aisée, captivante. Certains passages sont dignes des meilleurs auteurs. Quelle finesse, par exemple, dans les lignes qui suivent : « Lorsque nous oeuvrons pour la vie éternelle, il ne faut craindre, ni le malheur, ni la pauvreté, ni les besoins du corps, ni même la mort. Le Seigneur a dit : Ne vous inquiétez pas en disant: que mangerons-nous ? Que boirons-nous? De quoi allons-nous nous vêtir? Car toutes ces choses, ce sont les païens qui les cherchent, ceux qui ne sont pas baptisés, qui ne connaissent pas Dieu. Votre Père Céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et Sa justice, et toutes ces choses vous seront données par surcroît. Il nous fait une promesse, celle d’être notre nourriture et notre vêtement, de nous servir dans notre faiblesse comme un père, ou une mère, ou un ami très proche, de nous procurer tout ce dont nous avons besoin, de travailler pour nous par Sa grâce. Il nous dit : crois seulement en Moi de toute ton âme et sans douter, sers-Moi et espère en ce que Je peux accomplir, en ce que J’ai promis » (Florilège ch.10).

Chez le hiéromoine s’accomplirent les paroles que Dieu inspira à David : Mes lèvres laisseront déborder un hymne quand Tu m’auras enseigné Tes jugements (Ps.118,171). Quand la grâce divine fait sa demeure dans le coeur et commence à lui enseigner la loi de l’Esprit, alors l’homme devient inspiré. Ses pensées et ses sentiments s’animent à cette nouvelle vie de l’Esprit, ses propos portent la marque d’une poésie des plus élevées. De nombreux passages des écrits du hiéromoine traduisent cela, comme par exemple le début du chapitre 11 où il s’entretient avec son âme : « Mon âme bien-aimée, ne remets pas d’année en années, de mois en mois, de jour en jour ! Ne passe pas ton temps dans une vaine attente, afin de ne pas avoir à soupirer de tout ton coeur ! Ne reste pas à chercher sans Le trouver Celui qui peut t’aider dans la tribulation ! Comme tu te tourmenteras sinon, comme tu pleureras, comme tu sangloteras, comme tu regretteras, en te livrant à un repentir alors inutile ! Tu peux faire le bien aujourd’hui, ne remets pas à demain ! Tu ne sais pas ce que le journée de demain te réserve, un malheur ne te surprendra-t-il pas cette nuit même ? Tu ignores ce que le jour ou la nuit t’apporteront. Oh ! Mon âme ! C’est maintenant qu’il te faut supporter toutes les tribulations, c’est maintenant qu’il te faut accomplir les commandements du Seigneur et rechercher les vertus des Pères ! C’est maintenant le temps des pleurs, des larmes, des sanglots qui engendrent la douceur et la joie ! Oh ! Mon âme ! Si tu cherches vraiment le salut, aime les tribulations comme jadis tu aimais les jouissances ! Vis en mourant chaque jour ! Notre vie passe vite, elle disparaît comme l’ombre du nuage à l’apparition du soleil ! Nos jours s’en vont en fumée dans l’éther ! »Le Florilège est un des livres ascétiques les plus élevés qui soient. Il se rapproche pour ses mérites du célèbre ouvrage d’Isaac le Syrien.

Deux auteurs de l’Eglise Russe ont écrit sur la pratique du coeur : Nil de la Sora et le hiéromoine Dorothée. Le livre du premier est très utile pour ceux qui débutent dans l’exploit hésychaste, le deuxième s’adresse à ceux qui ont réussi et s’approchent de la perfection. Le Florilège expose avec une clarté extraordinaire l’enseignement sur la prière du coeur. Tout y est défini avec grande simplicité. On y découvre l’ample réussite spirituelle d’un russe qui a l’art de simplifier ce qui est compliqué, d’exposer avec un naturel étonnant l’enseignement spirituel le plus élevé. Quelle intelligence et quelle finesse ! Il traite principalement de la pureté du coeur, de l’esprit, de l’âme, de l’impassibilité, de l’enténèbrement de l’esprit, de la vigilance, et de la prière sainte et pure. Nous n’osons donner des extraits de tout cela car des sujets aussi élevés méritent une place et un temps appropriés. Nous renvoyons au livre lui-même ceux qui s’y intéressent. Les titres des enseignements sont déjà très éloquents. Précisons que les moines qui ont bien réussi doivent quitter la communauté pour le skite ou l’ermitage afin de s’adonner à de tels exercices spirituels.

Le skite du monastère de Valaam se trouve à trois verstes des édifices principaux. On s’y rend en bateau ou en longeant la rive. Il faut d’abord descendre du monastère par l’escalier de granit qui conduit au port. Là, on emprunte une barque pour poursuivre le périple à travers la baie qu’on a traversée à l’arrivée. Tantôt les eaux s’élargissent, tantôt elles se rétrécissent. Le paysage de chaque rive, qui change souvent d’aspect, laisse un sentiment de morosité. On finit par pénétrer dans un grand ovale. Sur ses rives aux pentes douces poussent des bouleaux, des sorbiers et des érables. Les rochers sont devenus presque inaccessibles au regard. On distingue seulement quelques pierres au loin, parmi les pins et les sapins. Dans l’ovale, les eaux ne sont nullement sombres, le bleu du ciel se reflète agréablement. Le regard est consolé par la verdure des prés émaillés d’innombrables fleurs sauvages très odorantes. Les rudes rafales du vent qui soufflent presque constamment sur le monastère principal sont absentes ici. Tout est accueillant, chaleureux. On se sent à l’aise, les lieux incitent au repos. On commence alors à comprendre quelle tension la nature sauvage et ses tableaux effrayants exerçait sur le corps et sur l’âme. Gravissant un pré en pente douce, on emprunte une sente tortueuse qui pénètre dans l’épaisseur de la forêt. Soudain surgit le skite solitaire. Au centre se dresse une église byzantine en pierre à deux étages. Autour de l’église s’égrainent des cellules en pierre. Une clôture de pierre ceint le tout. La forêt est là tout autour. Le calme est indescriptible. Le sentiment qui s’empare de vous n’a rien de comparable avec celui que vous aviez connu en arrivant au monastère. Là-bas, tout respirait la vie, mais une vie sévère. Ici règne le calme ineffable de ceux qui ont eu une mort bienheureuse. Au skite, on célèbre l’office divin deux fois par semaine, le samedi et le dimanche. Les autres jours, les frères restent dans leur cellule pour s’adonner à la prière, à la lecture, à la méditation et aux travaux manuels. A l’église, les frères se succèdent jour et nuit pour lire sans trêve le Psautier et commémorer les frères défunts et les bienfaiteurs du monastère. La nourriture est servie au réfectoire commun. Elle est bien plus rudimentaire qu’au monastère, presque exclusivement végétale. A Pâques et pour les autres grandes fêtes, les frères se rendent au monastère pour participer aux offices solennels et prendre part aux agapes qui ne dépassent jamais quatre plats. Soupe de poisson, plat de poisson, petits pâtés, voilà le signe d’une grande fête pour les frères de Valaam. Rien n’est jamais cuit à la poêle, ce serait rechercher une friandise interdite. Douze frères ou un peu plus vivent au skite.

Le chemin qui conduit au skite par la berge n’est pas moins pittoresque. On suit la rive par les bois, les collines et les monts. Les roues de l’équipage cognent souvent sur le granit nu.

Eparpillées dans l’île, dans une complète solitude, au flanc d’une colline ou dans une clairière, on trouve les cabanes en rondins des ermites. Il y a très peu d’ermites. La vie érémitique n’est permise qu’à des moines expérimentés, mûrs par l’âge et l’intelligence spirituelle. Les ermites, comme les frères du skite, ne viennent au monastère que pour les grandes fêtes.

Les visiteurs du monastère sont hébergés dans l’hôtellerie. Celle-ci comprend un refuge spécial pour les pauvres, qui sont fort nombreux dans cette partie de la Finlande. Les pauvres sont autorisés à rester à Valaam quarante-huit heures, lors desquelles ils profitent des repas préparés à leur intention. Ils quittent ensuite le monastère avec deux morceaux de pain de seigle. Pour une telle aumône, certains finlandais n’hésitent pas à parcourir quarante à cinquante verstes... En été, quand la route sur le lac est dégagée, des dizaines de chaloupes déversent quotidiennement leur flot de mendiants, après avoir affronté les eaux tumultueuses. Ceux qui partent sont aussitôt remplacés par de nouveaux arrivants. En hiver, dès que la glace est sûre, des bataillons entiers entreprennent le pénible voyage en dépit du gel cruel et de la longueur du trajet. Ils foulent la glace, à demi-nus, vieillards infirmes, enfants, femmes et nourrissons... Souvent, on trouve sur cette steppe glacée le cadavre gelé de quelque malheureux qui pensait échapper à la famine.

On ne peut pas oublier pour finir d’honorer de quelque parole l’hôpital de Valaam qui offre son asile paisible, non seulement aux vieux moines malades du monastère, mais aussi à tous les moines du diocèse de Saint-Pétersbourg. Près de l’hôpital, une église a été édifiée, ainsi qu’un réfectoire privé, une petite pharmacie comprenant tous les remèdes nécessaires, et tout le personnel correspondant.

L’île de Valaam, et son archipel de petits îlots, se dresse comme une masse minérale sur le lac Ladoga, avec son apanage de rochers, de monts, de rocs, de vallées, de baies, de détroits et de lacs. Près des îlots, le lac descend jusqu’à une profondeur de dix ou vingt mètres, voire quarante dans les détroits les plus profonds. Dès que vous quittez l’archipel, à quelques cents pas de la rive, vous ne tardez pas à trouver le fond à cent quarante, deux cents et même quatre cents mètres !

Partout la roche mère est cette pierre très dure (les moines l’appellent kelf) que couvre une terre végétale de deux coudées d’épaisseur environ, et quelquefois davantage. On trouve très rarement du sable ou de la glaise, et toujours en petite quantité. La couche de terre végétale est particulièrement fertile. Deux vergers ont été installés près du monastère, le premier en-dessous de la falaise où se tiennent les bâtiments, le second à droite de l’escalier de granit qui mène du port au monastère. Les pommes y sont fraîches et juteuses, témoignant de la qualité du sol. Malheureusement, il faut dire que ces pommes ne mûrissent qu’une fois tous les dix ans, à cause du climat rude et de l’ensoleillement insuffisant. Les pastèques et les melons sont aussi fort juteux, mais leur jus est mort : le soleil n’y apporte aucune douceur... Les produits du potager sont fameux. Ils poussent en quantité suffisante pour nourrir toute la communauté, les ouvriers et les visiteurs du monastère. On sème aussi un peu d’orge et d’avoine, mais il faut faire venir de Saint-Pétersbourg par bateau la majeure partie des besoins en céréales. On fauche le foin en grande quantité. L’île abonde en bois. L’espèce la plus commune est le pin, puis vient le sapin. On trouve, en quantité nettement moindre, des bouleaux, des platanes et des tilleuls. Comme il faut les remercier de leur présence ! La tendre couleur de leur feuilles adoucit la morosité des rochers et l’éternel et sombre vert des conifères. La forêt est plus épaisse dans les vallées, car la couche de terre y est plus importante. Sur les monts, les arbres sont plus frêles, ils ne peuvent atteindre une hauteur respectable. Leur racines s’efforcent en vain de gagner les profondeurs. Gênées par la roche, elles courent à fleur de terre, s’entremêlent, cherchant en vain la nourriture nécessaire. Les sapins, dont les exigences sont très limitées, se taillent la part du roi.

Que dire encore ? Je regarde les eaux, les vastes masses de la Ladoga, l’antique Néva, célèbre depuis toujours pour ses tempêtes et ses combats entre Varègues et Slaves. Comme elles s’harmonisent, vastes et profondes, avec l’île solitaire et inspirée ! Comme elles protègent cette île de leur écrin aquatique, comme elles gardent la société monastique ! Elles la protègent par leur immensité, par leurs tempêtes et par leurs glaces. Leur sein abrite et nourrit des bancs innombrables de poissons, que les filets trompeurs des ermites capturent pour assurer un plat précieux, qui, loin d’être une friandise, est au moins un produit frais.

Quand la légère embarcation m’emporta de Valaam, avec un agréable vent en poupe, j’étais malade. Mais je n’étais pas captif de la seule maladie. Mon regard, plein d’une curieuse et réjouissante tristesse, était tourné vers Valaam, s’attachait à lui. Je soupçonnais qu’il y avait là un adieu pour toujours. Tant que le navire avançait dans la baie, je regardais silencieusement le monastère. Je contemplais un morceau de rocher, puis un autre, leur hauteur considérable empêchant de les embrasser dans leur totalité. Il me semblait que cette nature puissante et terrifiante, sévère et austère, me souriait amicalement. Peut-être était-ce d’ailleurs le soleil qui m’offrait ce sourire, en dardant ses rayons vivifiants sur la baie, sur les eaux, sur les pierres, sur les épaisses forêts... Le bord de la falaise granitique soutenant le monastère était couvert de frères. Dans cette foule se mêlaient des hommes mûrs, endurcis dans les combats contre soi-même, des jeunes gens arrivés récemment, que les combats attendaient encore, et des vieillards aux cheveux blancs, aux pensées déjà calmes, pour lesquels les couronnes étaient déjà tressées et la tombe creusée. Pour eux, accueillir et nourrir avec bienveillance le visiteur n’était pas suffisant, il fallait encore le reconduire, avec un amour teinté d’affliction, et des larmes de regret suscitées par la séparation. Les cloches du monastère sonnaient majestueusement. Leur son était sans cesse répété par les gorges des falaises environnantes, qui formaient un choeur à plusieurs voix. Le canot quitta la baie comme on quitte une forteresse aux murs élevés. Devant les rochers immobiles apparut le vaste lac. On percevait à peine dans le lointain la rive de Serdobol. Dans les autres directions, pas de rivage en vue: seul le bleu des eaux fondu dans le bleu du ciel... On hissa les voiles, et l’embarcation s’élança doucement à l’assaut des vagues. Bientôt, nous atteignîmes la rive opposée.

Je me retournai pour voir Valaam. Il apparaîssait, sur l’immensité des eaux bleues, comme une planète sur un ciel d’azur. Comme il était loin de tout ! C’est comme s’il n’était pas sur la terre ! Valaam est un monde à part. Combien de ses moines ont oublié qu’il existe un ailleurs... Combien de vieillards y vivent depuis cinquante ans sans jamais l’avoir quitté, oubliant tout, sauf leur île et le ciel.

Armée spirituelle ! Bienheureux habitants de la sainte île ! Que descende sur vous la bénédiction du ciel parce que vous avez aimé le ciel ! Que repose sur vous la bénédiction du pèlerin parce que vous avez aimé le pèlerin ! Que vos prières soient entendues par Dieu, que vos chants de louange Lui soient agréables, parce que ces prières et ces louanges sont pleines de révérence ! Que soient bénis vos greniers et vos biens parce que le pauvre trouve toujours chez vous un morceau de pain et un vêtement pour couvrir sa nudité ! Frères ! Vous avez choisi l’unique nécessaire ! Ne vous retournez pas en arrière, ne soyez pas attirés à nouveau par quelque vain et furtif plaisir du monde ! Dans le monde, tout est tellement versatile, tellement inconstant, tellement passager, tellement corruptible... La providence inspirée de Dieu vous a offert dans le majestueux Valaam une demeure à part, éloignée de toutes les tentations. Accrochez-vous à ce refuge qui n’est pas troublé par l’océan de la vie ! Supportez-y courageusement les tempêtes invisibles ! Ne laissez pas la bonne ferveur se refroidir dans vos âmes ! Renouvelez-la, entretenez-la par la lecture des saints livres des Pères ! Fuyez vers ces livres par l’esprit et par le coeur, isolez-vous en eux par les pensées et les sentiments ! Valaam et ses saillies de granit ne tarderont pas à devenir pour vous les degrés qui conduisent au ciel, et ses hautes montagnes les hauteurs spirituelles qui offrent un accès aisé aux demeures du Paradis.

Puisse le pèlerin qui a écrit ces lignes, qui a déversé en elles ses sentiments pour vous et pour votre demeure, qui vous a visités plus d’une fois avec un soucis chaleureux de votre bien-être, puisse-t-il trouver une place vivante dans votre souvenir jusqu’à la tombe, et même au-delà ! ...

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