samedi 31 janvier 2009

DE LA NECESSITE DE COMBATTRE ET DE VAINCRE SES PASSIONS


( Extrait du journal de Saint Jean de Cronstadt )

Dieu a tout créé pour toi, mais toi, que fais-tu pour toi-même ? Dieu t’a fait don de la raison, du libre arbitre, de la conscience, des forces nécessaires à la piété, des biens matériels. Et toi, tu n’en fais rien, tu détériores ta nature, et tu utilises les dons de Dieu pour ta propre perdition !
La vie présente est destinée au combat et à l’exploit spirituel ininterrompu. La vie future sera le temps du repos, du triomphe, de la joie, et de la béatitude. Il y a là matière à lutter jusqu’au sang !
Le Royaume de Dieu, de la sainteté, de la justice et de la miséricorde grandit chez le croyant qui se repent, qui prie, et qui fait le bien. Il croît régulièrement jusqu’à atteindre la pleine maturité, tel le grain de sénévé qui devient un arbre puissant aux branches abondantes. De la même façon, le royaume du diable, de l’injustice, de la malignité, de l’orgueil, de l’envie, de l’impureté, de la méchanceté, de l’acédie, se développe jusqu’à devenir un arbre du mal qui écrase totalement l’homme, ce qui advint à Judas le traître.
« Le Royaume des Cieux est au-dedans de vous » (Luc17,21), c’est-à-dire la justice, la pureté, la sainteté, l’amour, la miséricorde, la douceur, l’humilité, la mansuétude, la patience, le courage, la simplicité et les autres vertus. De la même façon, le royaume de l’ennemi peut aussi être au-dedans de nous. Le devoir de chaque chrétien est de lutter constamment contre ses passions et ses mauvaises tendances. Avec l’aide de Dieu, il parviendra à déraciner de son coeur les différentes passions et à planter dans son âme la prière incessante, la pensée de Dieu, l’humilité, la douceur, la mansuétude et toutes les autres vertus.
Il faut constamment résister à la violence des passions, surtout à l’amour de soi, au plaisir, à l’attrait des choses extérieures, au repos de la chair qui incite l’homme à ne vivre que pour lui-même et pour sa maison, en oubliant d’assister son prochain.
Un même homme est capable des pensées, des sentiments et des actes les plus élevés, les plus pieux et les plus saints, mais également des plus stupides, des plus bas, des plus iniques et des plus impurs. Du plus élevé au plus bas, du plus fondamental au plus futile, de la vertu au péché, il n’y a souvent qu’un pas. C’est ainsi que l’homme, pourtant créé à l’image de Dieu, peut, à cause de la corruption de sa nature déchue, être double, inconséquent, sans plus de fermeté qu’un roseau agité par le vent des esprits malins et des passions. Suivant les circonstances, un même homme peut être courageux ou timide, bon ou méchant, simple ou malin, noble ou vil, zélé ou paresseux, compatissant ou insensible, généreux ou avare (jusqu’à devenir stupide, tatillon et larde), respectueux ou insolent, tendre ou grossier, obéissant ou têtu. Comment pourrait-on être dirigé par un tel homme? Il faut d’abord apprendre à se diriger soi-même, puis ensuite, si nécessaire, diriger les autres.
Dans le chrétien cohabitent deux ennemis : l’ancien Adam et l’homme nouveau du Christ. Ce sont plus exactement deux directions de l’esprit, du coeur et de la volonté. D’un côté, le monde terrestre, pécheur, passionné et mortel, de l’autre le monde céleste, saint, paisible et destiné à la Vie. Le libre arbitre peut se tourner vers la sagesse et l’intelligence, ou bien se montrer insensé et stupide. Il peut se montrer raisonnable ou fuir toute bonne entreprise. En bref, il peut se plier à la volonté du Créateur, et à Ses bons et sages préceptes, ou au contraire s’associer aux complots méchants, malins et pernicieux du diable.
Certains hommes, même des spirituels, sont volontiers prêts à rendre des services contre une bonne rétribution, mais murmurent et s’irritent si le salaire est minime. Ils rendent volontiers visite à des gens bien portants et de belle apparence, mais fréquentent à contre coeur et parfois même avec dégoût les infirmes, les malades ou les gens laids, alors qu’ils devraient se rendre chez eux avec amour et compassion. Ils saluent leurs bonnes et aimables connaissances mais évitent les inconnus ou les gens désagréables. Ils embrassent leurs amis mais méprisent leurs ennemis. Ils prêtent attention aux beaux mais se détournent des laids.
En règle générale, l’homme passe son temps à se contredire, à contredire son esprit, sa conscience et Dieu Lui-même. Il pense d’une façon et agit d’une autre, et se rend désagréable à Dieu. Voilà la maladie de l’homme. Sa tâche consiste donc à s’amender, à rechercher le bien, la simplicité, la bonté, la justice, l’impartialité, la pureté du coeur et une volonté ferme qui ne se laissera pas fléchir par le mal.
Qu’est-ce que l’attachement de l’âme aux biens matériels, à l’or, à l’argent, aux pierres précieuses, aux tissus chatoyants, aux beaux visages ? C’est un adultère qui rend indigne de Dieu. Si l’âme ne repousse pas tout cela, si elle ne le considère pas comme poussière, elle cessera d’aimer Dieu, se refroidira, se négligera et finira par s’éloigner du Seigneur.
« Faites mourir vos membres terrestres, l’impudicité, l’impureté, les passions, les mauvais désirs et la cupidité qui est une idolâtrie »(Col.3,5). Quelle est la source du mal? C’est le coeur lui-même, qui doit être purifié à chaque instant. Pourquoi ton coeur est-il froid comme la pierre? C’est parce que tu as abandonné la prière qui entretient le feu de la grâce, le feu qui illumine, réchauffe et vivifie l’âme et le corps. Lorsque tu priais encore avec sincérité, lorsque tu t’efforçais d’accomplir cette oeuvre sainte, la lampe brillait chez toi de toute son huile spirituelle, et dans ton âme il faisait chaud, tout était joyeux, paisible et épanoui. Mais lorsque tu as négligé la prière, tu es devenu froid, vide, insatisfait et sans vie.
Chaque jour, je vaincs les passions par le Nom du Seigneur. Par le repentir et l’invocation fervente du Nom de Jésus-Christ, je trouve le salut, je suis purifié, illuminé, sanctifié et apaisé. Ce Nom merveilleux et salutaire m’apporte la plus grande consolation. Combien de péchés hideux et absurdes se trouvent en moi ! La paresse, l’amour de moi-même, la pitié pour moi-même, la concupiscence, la gourmandise, la volupté, les pensées impures, l’envie, la cupidité, la vanité, l’orgueil, la vantardise, la malignité, l’irritation, la lâcheté, le découragement...Celles-ci et combien d’autres, qui n’ont pas encore diminué en moi comme il est dit dans la prière du Métaphraste. Voilà quel monstre je suis ! Quel homme mauvais et répugnant ! Il est vrai que je pleure souvent sur mes péchés, que je me réconcilie avec Dieu et avec ma conscience, il est vrai aussi que souvent, « mon pied a tenu ferme dans le bon chemin »(Ps.25,12), mais est-ce pour longtemps ? Non ! Seulement jusqu’à la prochaine occasion, jusqu’à la prochaine tentation. De nouveau je vais retomber dans les mêmes péchés. Il est vrai que je me garde des péchés grossiers et impudents, mais ne serais-je pas tombé dans ceux-là aussi si Dieu, dans Sa sainte providence, ne me gardait d’en rencontrer les occasions ? Il y a chez moi une attirance très forte pour toutes sortes de péchés. Seigneur, « de ceux qui sont cachés en moi, purifie-moi, et de ceux qui me sont étrangers préserve Ton serviteur ! »(Ps.18,13).
L’homme qui fait l’oeuvre des passions est un idolâtre. Ses passions sont ses idoles et lui-même est sa propre idole, selon les paroles du grand canon de Saint André de Crète. Il sert ces idoles et reçoit la mort intérieure comme rétribution, les ténèbres extérieures l’empêchent de voir clair sur lui-même. Par exemple, celui qui aime les profits nourrit en lui-même le serpent de l’amour de l’argent, il le dorlote et en oubliant d’aimer Dieu et son prochain. Pendant qu’il amasse les richesses, une multitude de pauvres souffre, meurt de faim, de froid et de maladie devant ses yeux. Il n’éprouve aucune compassion car sa cupidité a étouffé chez lui tout sentiment. La parabole du mauvais riche (Luc16,19-31) montre clairement la dureté de coeur et l’insensibilité de cet homme qui vit dans le luxe à côté des souffrances du pauvre Lazare. Il en va de même pour le débauché. Il dépense ses biens chez les femmes adultères pour satisfaire ses passions honteuses, comme le fils prodigue (Luc15,11-32), et s’abstient d’employer ses ressources à aider les pauvres. Et qu’en est-il de celui qui s’habille avec luxe, qui orne son intérieur d’objets précieux et de tableaux, qui n’hésite pas à dépenser des centaines de milliers de roubles pour son plaisir alors qu’il renonce à donner aux pauvres quelques kopecks ?
Mais cet amour démesuré de soi et de sa chair se manifeste avant tout chez l’homme par le désir d’apporter du repos à son corps, de le dorloter de toutes les façons : par la nourriture, la boisson, le sommeil prolongé dans un lit douillet équipé de coussins moelleux, la paresse de faire le signe de la croix, de dire des prières et de méditer ces prières, de les sentir avec le coeur, d’élever le coeur vers Dieu, et de diriger sa liberté vers l’accomplissement de la sainte, juste, sage, entièrement bonne, éternelle et bienheureuse volonté du Seigneur. A tout cela s’ajoute encore l’oubli de penser à ce qui arrive après la mort. Cet amour de soi et cette recherche des satisfactions se retrouve encore dans nos relations avec nos proches que nous oublions d’aider dans leurs besoins spirituels et matériels, et dont nous cherchons à tirer profit ou rétribution. Il nous conduit aussi à nous irriter contre les pauvres et à nous attrister de devoir les servir plus que prévu, alors que nous devrions nous réjouir de leur apporter bien-être et tranquillité dans leur indigence et leur malheur, et par là-même attirer la miséricorde divine car « les miséricordieux obtiendront miséricorde »(Mt.5,7). Notre Seigneur Jésus-Christ, le divin Initiateur du combat, « ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’à la fin »(Jn.13,1) et « a souffert sur la croix et méprisé l’ignominie »(Hb.12,2). Mais nous, nous n’avons aucune constance dans l’amour à cause de notre penchant pour nous-mêmes et pour notre chair. Nous ne persévérons pas dans l’amour du prochain et y renonçons si nous n’y trouvons plus de profit mais une nuisance matérielle, des soucis, des chagrins ou des désagréments. C’est pourquoi le chrétien est obligé irrévocablement de « crucifier sa chair avec ses passions et ses convoitises »(Gal.5,24), de s’exercer dans la pratique des oeuvres d’amour car « les oeuvres le suivent »(Apo.14,13) pendant sa vie et après sa mort. Chacune de ses oeuvres le glorifiera ou le couvrira de honte.
Comme l’envie est folle et absurde ! Comme toutes les passions, l’envie est insensée, aveugle, pleine de trouble et de tristesse, de honte et de perdition. Voyez cet homme riche et puissant, qui possède tout ce qu’il lui faut : découvrant chez son voisin un bel objet utile ou même complètement inutile, qu’il n’a pas encore ou qu’il a de moins bonne qualité, et le voilà saisi par l’envie, le dépit, l’animosité et l’inimitié. Quelle stupidité, quel aveuglement, quelle folie, quel manque d’amour et quelle passion ! Qu’est-ce qui est le plus digne d’amour, l’homme raisonnable, libre, doué d’une âme et créé à l’image de Dieu, ou bien un objet inanimé, mort, corruptible, même s’il est utile et qu’on peut l’acquérir, ou mieux encore, s’en passer pour trouver la tranquillité qu’avait l’envieux avant d’aller chez son voisin? Souvenons-nous d’Achab et de Naboth son sujet (1Rois21) qui avait un jardin jouxtant celui du roi. Ce jardin plut au roi qui le convoitait. Prisonnier de l’envie, le roi ne mangeait plus, ne dormait plus : comment son voisin pouvait-il avoir un jardin magnifique et pas lui ? Le roi en perdit la tête et conçut l’idée que Naboth devrait lui céder l’héritage de ses ancêtres. Sa femme l’aida à parvenir à ses fins en calomniant et en tuant le pauvre Naboth. Ne pourrions-nous pas facilement trouver un tel Achab parmi nous ? Gardons-nous de l’envie ! Contentons-nous du « seul nécessaire » en rendant grâce à Dieu, le Donateur des biens. Reconnaissons que nous ne sommes même pas dignes d’utiliser ce que Dieu nous donne dans Sa miséricorde. Efforçons-nous d’aller vers le « seul nécessaire », l’amour du prochain, une bonne disposition à son égard, une préoccupation permanente de son bien-être, de sa piété, du salut de son âme immortelle. Nous sommes envieux des divers biens de ce monde, nous envions les riches qui vivent dans l’abondance, nous envions la beauté humaine, surtout celle des femmes que nous convoitons, mais : « Quiconque regarde une femme avec convoitise a déjà commis l’adultère avec elle dans son coeur »(Mt.5,28). Nous envions les riches demeures, les marbres, les tableaux, les statues, les splendides intérieurs, leur beauté, et leurs proportions harmonieuses. Nous envions les calèches et les beaux attelages, les distinctions honorifiques, le haut rang, les rétributions, les bons postes et les bons salaires. Y a-t-il quelque chose que nous n’envions pas, chacun dans sa condition et son état, Et pourquoi ? Parce que nous n’avons pas dans nos âmes le « seul nécessaire », Dieu Lui-même; nous ne possédons pas le trésor de vie qui se suffit à lui-même et que possédait le roi David qui disait : « Qu’y a-t-il pour moi dans le ciel ? Ai-je désiré autre chose que Toi sur la terre ? Mon coeur et ma chair ont défailli : Ô Dieu, Tu es le Dieu de mon coeur et mon partage pour l’éternité » (Ps.72,25-26). « Tu as donné un héritage à ceux qui craignent Ton Nom »(Ps.60,6), cet héritage, c’est Toi-même ! Efforçons-nous d’accueillir Dieu dans nos coeurs et de l’y garder toujours. Ne désirons pas les biens corruptibles et temporels qui ne rassasient pas l’âme immortelle mais lui apportent une soif corruptrice et la rendent stupide et douloureuse, qui causent des injustices, offensent le prochain et attentent à sa sécurité, à son honneur, à la pureté de son âme et de son corps. Seul Dieu peut pleinement satisfaire la soif de notre âme, lorsque nous L’approchons avec la foi et l’amour, le repentir, une prière fervente, la vertu, et l’amour du prochain. Lui-même déversera cet amour dans nos coeurs. Il faut aspirer à cet amour de toutes nos forces et l’estimer davantage que tous les trésors.

mercredi 28 janvier 2009

L'ICÔNE DE LA MERE DE DIEU :"JOIE DE TOUS LES AFFLIGES"


Que de consolations dans le nom de cette icône! A lui seul, il évoque, éveille et affermit la foi dans la Mère de Dieu, notre admirable Protectrice. C’est elle en effet qui se hâte vers tous les lieux où se font entendre les gémissements de la souffrance humaine, qui essuie les larmes de ceux qui pleurent, qui apporte soulagement et joie céleste à ceux qui vivent dans le chagrin. Réjouis-toi éternellement, Joie Céleste des affligés!
La foi dans la miséricorde de la Mère de Dieu pour le genre humain fit naître une représentation de la Souveraine Céleste qui s’harmonise parfaitement avec les paroles d’une très belle prière qui lui est adressée: «Ô, Toute-Sainte Souveraine et Mère de Dieu, toi qui surpasses les anges et les archanges, toi plus vénérable que toute créature, tu es l’Aide des offensés, l’Espérance des désespérés, la Protectrice des pauvres, la Nourriture les affamés, l’Habit de ceux qui sont nus, la Guérison des malades, le Salut des pécheurs, l’Aide et la Protectrice de tous les chrétiens!».
Sur cette icône, la Mère de Dieu est représentée en pied, parfois avec l’Enfant dans les bras (comme sur l’icône de Moscou), parfois sans l’Enfant (comme sur l’icône située près d’une verrerie de Saint Pétersbourg, icône dite aux pièces de monnaie). Elle est entourée de malheureux, nus, offensés ou affamés. Près de ces indigents sont souvent représentés les anges que la Souveraine envoie pour apaiser les souffrances. Ils se penchent sur ceux qui souffrent et leur montrent la Mère de Dieu en habits royaux et coiffée d’une couronne, ou bien encore portant de simples vêtements et un voile blanc.

L’icône de Moscou

On raconte qu’à Moscou, une icône portant le nom de la Mère de Dieu, Joie de tous les affligés fut glorifiée dans la première moitié du quinzième siècle. Le premier miracle eut lieu en
1648. Euphémie, la soeur du patriarche Joachim, vivait à l’époque à l’Ordinka. Elle souffrait cruellement d’une plaie au ventre si profonde qu’on pouvait voir ses intestins. La malade attendait la mort sans toutefois perdre espoir dans l’aide de Dieu. Un jour, après avoir reçu la communion, elle implora avec foi la Toute-Sainte Mère de Dieu : «Entends ma prière, Souveraine magnanime! Le monde entier te glorifie et tous boivent à la source inépuisable de tes bienfaits! Certes, je mérite d’être châtiée pour mes péchés, mais ne me reprends pas dans ta colère ! Vois la cruauté de mon mal et aie pitié de moi !». Après avoir prononcé ces mots, la malade entendit une voix:
- Euphémie, pourquoi, dans tes souffrances, ne pas faire appel à Celle qui guérit tout?
- Mais où puis-je donc La trouver?
- Dans l’Eglise de la Transfiguration de mon Fils se trouve mon icône, celle qu’on appelle Joie de tous les affligés. Elle est située sur le côté gauche, là où les femmes se tiennent habituellement. Fais venir le prêtre de cette église avec l’icône. Lorsqu’il aura célébré un office avec bénédiction des eaux, tu recevras la guérison. Mais garde-toi d’oublier ma miséricorde envers toi, et confesse-la par la glorification de mon Nom!
Quand Euphémie fut remise du trouble suscité par cette vision, elle apprit de ses proches que l’église de la Transfiguration de l’Ordinka contenait effectivement une icône de la Mère de Dieu dite Joie de tous les affligés. Elle fit venir le prêtre qui célébra un office et bénit les eaux, à la suite de quoi elle fut guérie. Depuis lors, on instaura une fête le 24 octobre en l’honneur de cette icône, car la guérison avait eu lieu à cette date.
Certains pensent que l’icône de Moscou fut transportée à Saint Pétersbourg par la princesse Nathalie Alexeïevna, et qu’il s’agit de l’icône située dans l’église des affligés à la Schpalernaïa. Mais il semble plus probable que l’icône d’origine est restée à Moscou.



L’icône de Saint Pétersbourg

Il y a, près de Saint Pétersbourg, un village dénommé Klotchki. Non loin de la verrerie du village se trouve une chapelle. Le marchand Matveïev lui fit don d’une icône de la Mère de Dieu, Joie de tous les affligés. Cette icône était propriété familiale de la famille de la mère de Matveïev, les marchands Kourakine. Une pieuse tradition rapporte que l’icône apparut jadis à un Kourakine poussée par les vagues de la Néva.
L’icône fut glorifiée pour la première fois le 23 juillet 1888. Un terrible orage éclata ce jour-là sur Saint Pétersbourg et ses environs. La foudre tomba sur la chapelle de la verrerie, brûla les murs intérieurs et les icônes, et brisa le tronc des pauvres. L’icône de notre Souveraine était suspendue par un cordon dans un coin de l’édifice. Sous l’effet de la foudre, elle tomba à terre, et le visage de la Mère de Dieu, noirci par le temps, s’éclaircit subitement, et se régénéra. Les douze pièces de monnaie de cuivre du tronc se retrouvèrent miraculeusement scellées en divers endroits de l’icône.
Le soir même, toute la capitale était au courant du miracle. Dès le lendemain matin, le peuple se pressait en masse devant la chapelle. A midi, le clergé de l’église des saints Boris et Gleb près du port Kalachnikov venait célébrer un office d’action de grâce avec la bénédiction du métropolite Isidore. La foule resta devant la chapelle jusque tard dans la nuit, s’étonnant de la miséricorde divine. Dans les jours qui suivirent, des pèlerins de plus en plus nombreux affluèrent de Saint Pétersbourg et des environs, rejoints bientôt par d’autres pèlerins venant de tous les coins de la Russie. La nouvelle s’était en effet propagée comme un feu de paille. La miséricorde divine ne tarda pas à glorifier l’icône de la Mère de Dieu par des miracles éclatants.
Le 6 octobre 1890, tous ceux qui priaient à l’église furent témoins de la guérison d’un adolescent de quatorze ans, Nicolas Griatchov, sujet depuis longtemps à des crises d’épilepsie et de paralysie des bras, que les médecins avaient déclaré incurable. Le jeune homme eut une apparition de la Mère de Dieu, de Saint Nicolas le Thaumaturge, et d’un hiérarque portant un klobouk blanc. La Toute-Sainte lui ordonna de se rendre à la chapelle pour recevoir la guérison. Nicolas s’y rendit promptement, vénéra l’icône, et fut complètement guéri.
Le 17 février 1891, une femme dénommée Véra Belonoguine fut également guérie après avoir prié devant l’icône. La malheureuse souffrait depuis six ans d’une maladie de poitrine, d’une tumeur, et d’une maladie de la gorge. Les médecins diagnostiquèrent une tuberculose incurable et lui annoncèrent qu’elle avait perdu la voix pour toujours. Dès lors, la malade plaça son espoir uniquement dans l’aide de Dieu. Connaissant les récits de la miséricorde de la Mère de Dieu dans la chapelle des affligés, elle décida d’aller vénérer la sainte icône. Elle y fit célébrer un office, puis revint à la maison et tomba dans un profond sommeil. Dans son sommeil, elle entendit clairement une voix mystérieuse lui dire: «Retourne à la chapelle, fais célébrer un office, prie avec un zèle encore plus grand, et ta voix reviendra!». Véra obéit et se rendit à la chapelle une seconde fois. Puis elle rentra chez elle et dit à son mari d’une voix forte : «Je suis en parfaite santé!».
Par la suite, l’icône des affligés fut vénérée par toute la Russie, attirant une multitude de pèlerins. Des télégrammes et des lettres arrivaient chaque jour pour demander la célébration d’offices d’intercession pour les offensés, les persécutés, les malades... L’icône était également vénérée par des chrétiens hétérodoxes et le clergé de l’endroit priait pour que le Seigneur accorde à chacun selon sa foi.
Le 13 mars 1893, la chapelle des affligés fut visitée par le Tsar Alexandre III. Le pieux empereur embrassa l’icône et fit don, en signe de reconnaissance, d’une parcelle de terre appartenant au cabinet de Sa Majesté, afin qu’on y édifiât une église en pierre. Les fondations furent posées la même année, et le 2 août 1898, on consacra la nouvelle église dédiée à la Mère de Dieu, Joie de tous les affligés. A droite de l’iconostase principale, là où on place souvent un deuxième autel, fut installé un grand présentoir pour l’icône miraculeuse. L’icône restait en temps normal dans la chapelle, et on la transportait dans le présentoir de l’église pour les offices.
La Toute-Sainte Vierge y est représentée en pied, les bras étendus, le visage légèrement incliné sur la gauche. Son manteau est bleu foncé, et sa tunique rouge foncé. Sa tête est coiffée d’un voile blanc et ornée d’un nimbe doré. Au-dessus d’elle, le Sauveur, dans les nuées, tient le Saint Evangile dans Sa main gauche, et bénit de la droite. De part et d’autre de la Mère de Dieu sont peints des anges et des malheureux. Des branches de verdure sont placées derrière la Toute-Pure. Les dimensions de l’icône sont environ de quarante centimètres de large sur soixante-dix de haut.
Nous n’avons fait mention ici que de deux icônes miraculeuses de la Mère de Dieu, Joie de tous les affligés. La plus célèbre est incontestablement l’icône aux pièces de monnaie. Il existait cependant à travers la Russie d’autres icônes de la Mère de Dieu, Joie de tous les affligés, qui s’étaient révélées miraculeuses, notamment à Tobolsk, aux grottes de Kiev, à Voronej, à Kirsanov, à l’église Bolche-Ochtinsnaïa de Saint Pétersbourg et à Nijni-Novgorod.
Par les prières de la Toute Sainte, Seigneur Jésus Christ aie pitié de nous et sauve nous. Amen.

dimanche 25 janvier 2009

VIE DE SAINT BASILE LE GRAND ARCHEVÊQUE DE CESAREE EN CAPPADOCE



Basile, ce grand docteur de l’Eglise, cet homme sage et saint devant Dieu, naquit à Césarée de Cappadoce de parents nobles et pieux. Il vit le jour en 329, alors que Constantin le Grand régnait sur l’empire. Son père se nommait également Basile, et sa mère Emmélie. Les premières semences de la piété furent jetées dans son âme par sa mère et sa grand mère Macrine. Dans sa jeunesse, celle-ci avait été digne d’entendre les sermons de Saint Grégoire le Thaumaturge. Le père de Basile était professeur de rhétorique, l’art oratoire, et de philosophie. Il offrit à son fils un vaste enseignement qui allait de la foi chrétienne aux sciences séculières.
Quand Basile approcha de ses quatorze ans, son père mourut. L’adolescent passa les deux ou trois années qui suivirent ce deuil chez sa grand mère Macrine qui possédait une propriété de campagne près de Néocésarée, non loin de la rivière Iris. Plus tard, cette propriété devint un monastère. De là, Basile se rendait souvent à Césarée pour rendre visite à sa mère et à ses frères et soeurs. Parmi eux, on comptait trois futurs saints: Macrine, l’aînée des filles, Grégoire, futur évêque de Nysse et Pierre, futur évêque de Sébaste.
Basile perdit sa grand mère Macrine quand il avait dix-sept ans. Après ce nouveau deuil, il partit s’installer à Césarée pour y étudier les sciences dans les écoles locales. Son intelligence était vive, et il en vint rapidement à égaler ses maîtres. Mais sa soif de connaissance n’était pas étanchée, et il décida de s’établir à Constantinople pour y suivre les cours du jeune sophiste Libanius, célèbre pour son éloquence. Il ne resta pas très longtemps en cet illustre lieu, et choisit de faire le voyage d’Athènes, qui était alors la capitale de la science grecque. Là, il écouta les leçons d’un célèbre maître païen du nom d’Evvoulos ainsi que celles des grecs Imeri et Proeressi qui était chrétien. Basile avait alors presque vingt-six ans. Son zèle pour l’étude semblait sans limites et, de surcroît, tous rendaient hommage à la pureté de sa vie. A Athènes il ne connaissait que deux chemins: le chemin de l’école et le chemin de l’église. C’est à cette époque qu’il se lia d’amitié avec le futur Grégoire le Théologien, qui étudiait lui aussi dans la grande cité. Les deux amis rivalisaient dans les bonnes moeurs, la douceur et la chasteté, et leur amour l’un pour l’autre était tel qu’ils ne semblaient avoir qu’une seule âme. Cet amour hors du commun devait demeurer pour toujours.
L’intérêt que Basile portait aux sciences était si grand qu’il pouvait, assis devant ses livres, oublier le boire et le manger. Il apprit la grammaire, la rhétorique, l’astronomie, la philosophie, la physique, la médecine et les sciences naturelles. Cependant, toutes ces sciences du monde ne parvenaient pas à rassasier son esprit en quête d’illumination céleste. Après ces cinq années athéniennes, voyant qu’il ne trouverait pas de base solide pour s’élancer vers la perfection chrétienne, il décida de partir vers des lieux fréquentés par les ascètes.
Laissant son ami Grégoire à Athènes où il était devenu maître de rhétorique, Basile s’embarqua pour l’Egypte où fleurissait la vie monastique. Il rencontra un archimandrite du nom de Porphyre qui lui ouvrit la porte d’une bibliothèque théologique considérable, dans laquelle il se livra un an durant à la lecture et au jeûne. Pour compléter ses connaissances livresques, il observa le mode de vie de célèbres ascètes : Pachôme de Thébaïde, Macaire l’ancien, Macaire d’Alexandrie, Paphnuce, Paul, et d’autres encore. D’Egypte, Basile décida d’entreprendre un périple à travers la Palestine, la Syrie et la Mésopotamie, afin de vénérer les saints lieux et de rencontrer d’autres ascètes. Mais avant de partir, il fit un détour par Athènes afin de rencontrer son ancien maître Evvoulos et de discuter sur la vraie foi avec les philosophes grecs.
Basile souhaitait remercier son professeur pour les bienfaits qu’il avait reçus. Le plus beau cadeau eût été de le convertir à la vraie foi. Aussi le chercha-t-il longuement à travers toute la ville, et finit-il par le rencontrer en dehors des murs, en grande discussion avec d’autres philosophes. Il écouta d’abord soigneusement la conversation sans intervenir ni révéler son identité, puis se décida à résoudre devant tous le problème ardu qui était posé. Après s’être exprimé, il posa lui-même une question difficile à son maître. Les philosophes présents étaient perplexes, se demandant qui pouvait ainsi affronter le célèbre Evvoulos. Répondant à leurs pensées, ce dernier déclara : « Ou bien celui qui parle est un dieu, ou bien c’est Basile ! ». Ayant démasqué son disciple, il congédia les philosophes et conduisit Basile chez lui.
Les deux amis discutèrent pendant trois jours, oubliant presque de prendre de la nourriture. Au cours de cet entretien, Evvoulos voulut savoir quel était, selon Basile, le premier mérite de la philosophie. La réponse ne se fit pas attendre: « L’essence de la philosophie est de donner à l’homme le souvenir de la mort ». Et de démontrer la précarité du monde et de ses plaisirs, qui sont doux les premiers temps, mais paraissent amers par la suite à ceux qui ont commis l’imprudence de s’y attacher. « A côté de ces plaisirs existent des consolations d’une autre nature, toute céleste. On ne peut pas jouir des deux simultanément, car personne ne peut servir deux maîtres (Mt.6,21). Cependant, bien que nous soyons encore attachés aux choses de ce monde, nous rompons le Pain de la vraie connaissance, et nous faisons entrer sous le toit protecteur des bonnes oeuvres les malheureux qui s’étaient volontairement privés de l’habit des vertus ».
Petit à petit, Basile s’attacha à prêcher la force du repentir. Il décrivit les différents vices qui, à tour de rôle, séduisent l’homme, et vanta les mérites du repentir et de ses filles, les vertus. « Pourtant, nous les chrétiens, nous n’avons pas besoin de tels artifices de persuasion. Nous connaissons l’unique Vérité qui se révèle elle-même à quiconque la recherche. Nous croyons que nous ressusciterons tous au dernier jour, les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte et les souffrances éternelles. Ceci est exposé clairement par les prophètes Isaïe, Jérémie, Daniel et David, par le divin apôtre Paul, et par notre Seigneur Lui-même. Il nous appelle au repentir, Lui qui a retrouvé la brebis perdue, qui a embrassé avec amour le fils prodigue, l’a revêtu d’un habit lumineux, lui a mis au doigt un anneau et a offert un festin à son intention (Luc15). Notre Dieu accorde la même rétribution à ceux qui sont venus à la onzième heure qu’à ceux qui ont supporté la fatigue et la chaleur du jour (Mt.20,12). Il offre à ceux qui se repentent et naissent de l’eau et de l’Esprit ce que l’oeil n’a point vu, ce que l’oreille n’a point entendu et qui n’est point monté au coeur de l’homme (1Cor.2,5) ».
C’est ainsi que Basile exposa brièvement à son maître l’économie de notre salut, depuis la chute d’Adam jusqu’à l’enseignement du Christ Sauveur. A la fin de ce discours, Evvoulos s’écria : « Ô Basile ! Envoyé du ciel ! Grâce à toi, je crois en l’unique Dieu, le Père tout-puissant, Créateur de toutes choses, j’attends la résurrection des morts et la vie du siècle à venir, amen ! Pour témoigner devant toi de ma foi en Dieu, je m’engage à passer à tes côtés le reste de ma vie. Dès à présent, je désire naître de l’eau et de l’Esprit ! ». Devant cette ferveur, Basile s’exclama : « Béni soit notre Dieu maintenant et dans les siècles, Lui qui a illuminé ton esprit, Evvoulos, par la lumière de la Vérité, et qui t’a conduit de la plus profonde des erreurs vers la connaissance de Son amour ! Si tu veux vivre avec moi, comme tu viens de le dire, laisse-moi t’expliquer de quelle façon nous devons nous préoccuper de notre salut et nous libérer des filets de cette vie : vendons tous nos biens et distribuons notre argent aux pauvres, puis allons dans la ville sainte pour vénérer les merveilles qu’elle abrite, et nous y trouverons un affermissement pour notre foi ! ».
Ayant ainsi distribué tous leurs biens aux nécessiteux et acheté les vêtements blancs qui conviennent à ceux qui vont recevoir le baptême, ils se rendirent à Jérusalem, sans manquer de convertir en route plusieurs personnes à la vraie foi.
Parvenus à Antioche la Grande, située en Syrie sur le fleuve Oronte, ils firent halte dans une auberge. Ils trouvèrent là Philoxène, le fils de l’aubergiste, qui se tenait assis près de la porte dans une grande affliction. Elève du sophiste Libanius, il avait emprunté à son maître quelques poèmes d’Homère pour préparer un discours, mais il ne parvenait pas à ses fins. Le voyant dans une telle peine, Basile lui demanda : « Pourquoi es-tu abattu, jeune homme ? ». Philoxène répondit : « Même si je te confie la raison de ma tristesse, quel bien tirerai-je de toi ? ». Basile insista et promit au jeune homme qu’il ne s’ouvrirait pas à lui en vain. Ce dernier céda aux instances de l’étranger. Il lui parla du sophiste, des poèmes, et de ses difficultés à exposer clairement leur sens. Basile lut les vers et les commenta aussitôt dans un langage accessible. Le jeune homme émerveillé lui demanda de bien vouloir écrire cette traduction. Basile mit par écrit trois traductions différentes que le jeune homme emporta avec joie dès le lendemain matin chez son maître Libanius. Ce dernier fut stupéfait en les lisant.
- Je jure par la providence divine qu’il n’est aucun philosophe contemporain capable de faire un tel commentaire ! Qui t’a écrit cela, Philoxène ?
- Il y a dans ma maison un voyageur qui a écrit ceci très vite et sans aucune difficulté.
Libanius partit en toute hâte pour l’auberge afin de rencontrer le voyageur. Il fut surpris de trouver Basile et Evvoulos et se réjouit beaucoup de les voir. Il les invita dans sa maison et leur fit servir un repas somptueux. Mais eux, comme à l’accoutumée, se contentèrent d’un peu de pain et d’eau. Après ce repas frugal, ils rendirent grâce à Dieu, le Dispensateur de tous biens. Après s’être restauré, Libanius aborda différentes questions philosophiques et les deux voyageurs proposèrent en retour un exposé sur la foi chrétienne. Libanius les écouta attentivement et déclara qu’il était encore trop tôt pour qu’on pût accueillir de telles paroles, mais que néanmoins, si c’était la volonté de Dieu, personne ne pourrait résister à l’enseignement du Christianisme. « Tu me rendras un grand service, Basile, si tu acceptes d’exposer cette doctrine aux jeunes élèves qui demeurent chez moi ».
Les disciples de Libanius se rassemblèrent autour de Basile qui fit un discours. Il parla d’acquérir la pureté de l’âme, l’impassibilité du corps, une démarche humble, le verbe doux, la parole modeste, la modération dans la nourriture et la boisson, le silence devant les aînés, l’attention aux paroles des sages, l’obéissance aux supérieurs, un amour sans feinte pour ses condisciples et pour les plus humbles afin qu’ils se détournent des méchants, des passionnés et des sensuels, qu’ils parlent moins, écoutent et comprennent davantage, ne tiennent pas de propos insensés, ne se moquent pas des autres avec insolence, se parent de pudeur, ne s’entretiennent pas avec les femmes de mauvaise vie, baissent les yeux et élèvent leurs âmes, évitent les discussions, ne cherchent pas à commander et comptent pour rien les honneurs de ce monde. Il rappela que si l’on agit pour le bien de son prochain, c’est de Dieu qu’on doit attendre sa récompense, et de Jésus-Christ notre Seigneur qu’on doit espérer la rétribution éternelle. Les disciples de Libanius écoutèrent Basile avec beaucoup d’étonnement. Après cet entretien, les deux voyageurs reprirent leur chemin.
Lorsque nos deux pèlerins parvinrent à Jérusalem, il vénérèrent avec foi et amour les lieux saints et prièrent notre Dieu, Créateur de toutes choses. Puis ils se présentèrent devant le Patriarche Maxime III (333-350), et lui demandèrent le baptême dans le Jourdain. Voyant leur grande foi, l’évêque accepta et se mit route pour le Jourdain avec plusieurs membres du clergé. Parvenu sur la rive du fleuve, Basile tomba à terre, versa des larmes, et pria Dieu de lui accorder un signe pour affermir sa foi. Il se releva en tremblant, ôta ses vêtements comme on se défait de l’homme ancien, entra dans l’eau et pria de nouveau. Comme le prélat s’approchait pour le baptiser, un éclair de feu tomba soudain sur eux; une colombe en sortit qui plongea dans le fleuve, agita les flots, et s’envola vers le ciel. Sur la rive, tous les témoins de cet événement extraordinaire glorifièrent Dieu en tremblant. Après avoir reçu le baptême, Basile sortit de l’eau et fut revêtu de blanc, à l’image du Christ au tombeau dans son linceul pur. Evvoulos fut baptisé à son tour, et tous deux furent oints de myrrhe et communièrent aux Saints Mystères.
Les deux compagnons séjournèrent une année dans la ville sainte, puis ils se rendirent à Antioche où Basile fut ordonné diacre par l’archevêque Mélétios. Il passa quelque temps à commenter les Saintes Ecritures, puis retourna dans sa patrie, la Cappadoce, toujours en compagnie d’Evvoulos. Alors qu’ils s’approchaient de Césarée, l’archevêque de Cappadoce Léonce eut un songe lui annonçant l’arrivée de deux visiteurs dont l’un serait le futur archevêque de la ville. Il dépêcha aussitôt son archidiacre et quelques membres du clergé jusqu’aux portes de la ville, afin d’accueillir avec honneur les deux pèlerins qui s’y présenteraient, et de les conduire devant lui. Dès leur arrivée chez l’archevêque, celui-ci fut très étonné de reconnaître exactement les deux personnages qu’il avait vus en songe, et il glorifia Dieu. Après leur avoir demandé leurs noms et d’où ils venaient, il ordonna qu’on leur servît un repas au réfectoire, où il avait réuni le clergé et les dignitaires de la ville. Devant cette assemblée, il raconta tout ce qu’il avait appris sur Basile dans sa vision. Après avoir entendu ce récit édifiant, le clergé déclara unanimement à l’archevêque : « Puisqu’en raison de ta vie vertueuse, Dieu t’a montré l’héritier de ton trône, agis avec lui comme tu l’entends, car en vérité, l’homme que la volonté de Dieu désigne ouvertement est digne du plus grand respect ».
Après cela, l’archevêque invita chez lui les deux pèlerins et s’entretint avec eux de l’Ecriture, pour voir à quel point ils la comprenaient. Il fut rapidement édifié par l’étendue de leur sagesse, et les garda chez lui en leur témoignant un respect tout particulier.
A Césarée, Basile mena le genre de vie qu’il avait appris des ascètes lors de son voyage en Egypte, et se montra un moine excellent. A cette époque, on ordonna un nouvel archevêque, Eusèbe. Ce dernier parvint à cette haute distinction en très peu de temps, alors qu’il venait à peine de quitter l’état laïc. La pression populaire était la cause de son élévation. N’étant pas capable de maîtriser la théologie et l’enseignement de la foi, il ordonna Basile presbytre et guide des moines de Césarée. Le nouveau prêtre s’acquitta de sa tâche avec zèle, travaillant tant, qu’il en cessa toute correspondance avec ses anciens amis. Il passait beaucoup de temps à la prédication de la parole de Dieu et prêchait parfois jusqu’à deux fois par jour, dans des églises différentes. Il exposait avec conviction la beauté des vertus chrétiennes et la laideur des vices, touchant les esprits et les coeurs. Bien qu’étant un ascète chevronné, Basile n’en gardait pas moins un comportement d’une grande noblesse, qui transparaît jusque dans ses oeuvres. Ces dernières allaient toucher tous les domaines, la prédication, la dogmatique, le commentaire des Ecritures, la morale, la piété, et l’organisation des offices de l’Eglise.

LE DÉSERT

Au fil des jours, Basile acquit une notoriété importante dans les affaires ecclésiales, à laquelle l’archevêque Eusèbe ne pouvait prétendre, lui qui était à peine sorti du rang des catéchumènes. Au bout d’un an à peine, Eusèbe céda à la faiblesse humaine et se mit à le jalouser et à se montrer malveillant. Basile l’apprit et, ne voulant pas être un sujet de jalousie, partit dans le désert du Pont. Il s’installa près de la rivière Iris dans un lieu où s’étaient retirées sa mère Emmélie et sa soeur Macrine, et qui leur appartenait. Macrine y avait organisé un couvent. Basile vécut non loin des moniales, au pied d’une haute montagne couverte d’une épaisse forêt, où coulaient des eaux froides et limpides. Le silence de ce désert était si agréable qu’il envisageait d’y finir ses jours. Il imitait là les exploits des grands ascètes qu’il avait rencontrés en Syrie et en Egypte. Vivant dans un grand dénuement, il n’avait pour vêtements qu’une chemise et une mantia. La nuit, il portait un cilice. Il se nourrissait de pain et d’eau, assaisonnant cette maigre pitance de sel et de racines. Cette sévère abstinence le rendit très pâle et l’affaiblit considérablement. Pendant sa retraite, il ne se rendait jamais aux bains et n’allumait pas de feu. Mais cette vie ascétique n’était pas une vie d’ermite. Il rassembla une communauté monastique et, après un échange épistolaire, attira près de lui son ami Grégoire.
Dans leur solitude, Basile et Grégoire partageaient tout, y compris la prière. Abandonnant la lecture des livres séculiers qui leur avaient fait perdre beaucoup de temps dans le passé, ils se consacrèrent uniquement à la Sainte Ecriture. Afin de mieux la pénétrer, ils lisaient les écrits des pères qui les avaient précédés. Guidés par l’Esprit Saint, ils rédigèrent les fameuses « règles » qui guident encore les communautés monastiques de l’Eglise d’Orient jusqu’à nos jours.
Dans leur vie quotidienne, Basile et Grégoire trouvaient beaucoup de satisfaction à acquérir la patience. Ils travaillaient de leurs mains, coupaient le bois, taillaient des pierres, plantaient et arrosaient des arbres, transportaient le fumier ou d’autres fardeaux, au point que leurs mains étaient pleines de durillons. Leur demeure n’avait ni toit ni porte, on n’y voyait ni fumée ni feu. Le pain qu’ils mangeaient était si dur et si mal cuit qu’il était difficile de le mâcher.

LA LUTTE CONTRE LES ARIENS

Le temps vint toutefois où ils durent quitter le désert pour aller servir l’Eglise assaillie par les hérétiques. Grégoire fut appelé à Nazianze par son père Grégoire déjà âgé, qui n’avait plus la fermeté nécessaire pour combattre seul. Basile, de son côté, fut rappelé à Césarée par l’archevêque Eusèbe qui s’était réconcilié avec lui par lettre et l’avait prié de venir soutenir l’Eglise contre les ariens. Le bienheureux Basile fut ému par la situation de l’Eglise et décida d’abandonner son cher désert. Il se rendit à Césarée et oeuvra beaucoup en paroles et en actes pour protéger la foi orthodoxe de l’hérésie. Après quelque temps, l’archevêque Eusèbe rendit son âme à Dieu dans les bras de Basile qui fut à son tour élevé sur le trône épiscopal par un concile d’évêques, au milieu desquels se tenait le vieux Grégoire de Nazianze. Le vieillard faible et fatigué s’était fait conduire jusqu’à Césarée pour convaincre Basile d’accepter la dignité épiscopale et empêcher ainsi qu’un arien n’y accédât à sa place.
Basile dirigea l’Eglise du Christ avec succès. Il ordonna presbytre son frère Pierre, afin qu’il le secondât dans sa tâche ecclésiale. Il le fit par la suite évêque de Sébaste. C’est à cette époque que leur mère Emmélie partit vers le Seigneur après avoir vécu plus de quatre-vingt-dix ans.

LA LITURGIE DE SAINT BASILE

Basile demanda un jour au Seigneur d’éclairer son esprit par la grâce de l’Esprit Saint, afin de pouvoir offrir le sacrifice non sanglant avec des paroles de sa composition. Une semaine plus tard, alors qu’il se tenait devant l’autel, prêt à accomplir l’offrande du pain et du vin, le Seigneur Lui-même apparut en compagnie des Apôtres, et lui dit: « Que ta bouche, selon ta demande, se remplisse de louange afin que tu puisses accomplir ton service non sanglant en prononçant tes propres paroles ». Sur ce, Basile se mit à prononcer et à noter les prières suivantes: « Que ma bouche se remplisse de louange afin que je chante Ta gloire...Seigneur notre Dieu qui nous a créés et introduits dans cette vie... », et d’autres prières de la sainte liturgie. Puis, élevant le pain, il pria avec zèle en disant : « Sois attentif, Seigneur Jésus-Christ notre Dieu, du haut de Ta sainte demeure et du trône de gloire de Ton royaume, et viens nous sanctifier, Toi qui es assis dans les hauteurs avec Ton Père et demeure avec nous ici invisiblement ! Daigne par Ta main puissante nous donner Ton Corps très pur et Ton Sang très saint, à nous et à tous ceux qui sont ici présents ! ». Durant ces instants ineffables, Evvoulos et les membres les plus éminents du clergé virent une lumière céleste illuminer l’autel, Basile, et quelques hommes mystérieux qui l’entouraient. Saisis d’une grande crainte, ils tombèrent à terre, versèrent des larmes et glorifièrent Dieu. Par la suite, Basile fit venir un orfèvre, et lui ordonna de confectionner une colombe en or pur, semblable à celle qui était apparue au-dessus du Jourdain, pour la placer au-dessus du saint autel afin qu’elle soit la gardienne des Mystères Divins.

LE JUIF ET LA SAINTE COMMUNION

Le Seigneur attesta la sainteté de Basile par d’autres signes merveilleux, pendant la vie même du saint hiérarque.
Un jour que Basile accomplissait l’office divin, un juif se joignit aux chrétiens dans l’église, afin de voir en quoi consistaient les Saints Mystères. Il vit le saint hiérarque tenir dans ses mains un petit enfant et le morceler. Quand les croyants s’approchèrent de la sainte communion, le juif s’approcha aussi, et reçut du saint une parcelle des saints dons. La tenant en main, il vit que c’était effectivement de la chair, et que le calice contenait vraiment du sang. Il cacha ce qui restait de la sainte communion, rentra chez lui, et raconta ce qu’il avait vu à sa femme en lui montrant les dons. Ayant acquis la certitude que les Mystères Chrétiens sont vraiment terribles et glorieux, il se rendit de bon matin chez Basile et le supplia de le rendre digne du saint baptême. Le saint le baptisa immédiatement avec toute sa famille.

LA VEUVE ET LE MAGISTRAT

Une autre fois une pauvre femme, qui avait été lésée par un magistrat, se plaça sur le chemin de Basile, tomba à ses pieds, et le supplia d’écrire une lettre d’intercession au magistrat, car elle savait qu’il avait de la considération pour lui. Prenant une feuille de parchemin, il écrivit la lettre suivante : « Cette pauvre femme s’est adressée à moi en disant que ma requête aurait beaucoup d’importance à tes yeux. Si c’est vraiment le cas, prouve-le par des actes et fais-lui miséricorde ! ». Ayant fini d’écrire, il tendit la missive à l’infortunée qui se rendit chez le magistrat. Ce dernier répondit au saint de la façon suivante : « Conformément à ta lettre, saint père, je voudrais bien être miséricordieux envers cette femme, mais je ne puis le faire, car elle est soumise à l’impôt général ». Alors le saint répondit en ces termes : « Si tu voulais mais ne pouvais pas, c’est bien; mais si tu pouvais et ne voulais pas, alors Dieu te comptera toi-même au rang des nécessiteux, de sorte que tu ne puisses plus faire ce que tu veux ! ». Les paroles du saint ne tardèrent pas à se réaliser. Peu de temps après, l’empereur se fâcha contre le magistrat en apprenant qu’il opprimait le peuple, et le fit jeter en prison pour qu’il dédommage tous ceux qu’il avait opprimés. Le magistrat s’empressa de faire parvenir à Basile une lettre pour le prier d’avoir pitié de lui et d’intercéder en sa faveur auprès de l’empereur. Six jours plus tard, on reçut l’ordre de libérer le prisonnier. Comprenant la miséricorde dont le saint avait fait preuve à son égard, le magistrat se précipita chez lui pour le remercier et rendit à la pauvre femme le double de ce qu’il avait exigé d’elle.

LE GRAND MARTYR MERCURE

A cette époque troublée où Basile le Grand luttait courageusement pour la vraie foi, l’empereur Julien l’Apostat, blasphémateur de la Vérité et persécuteur des chrétiens, s’en alla guerroyer contre les perses. Saint Basile avait l’habitude de prier devant une icône de la Mère de Dieu sur laquelle la Toute Sainte était en compagnie du saint martyr Mercure, qui avait justement remporté sa couronne à Césarée de Cappadoce. Sur l’icône, le saint et grand martyr Mercure était représenté aux pieds de la Toute-Pure, en tenue de soldat et tenant une lance. Un jour, Basile vit disparaître le martyr de l’icône l’espace de quelques instants, à la suite desquels il apparut de nouveau, sa lance toute ensanglantée. C’est précisément pendant ces quelques instants que le saint martyr Mercure, envoyé par la Sainte Vierge, transperça l’empereur Julien sur le champ de bataille où les romains combattaient les perses.

LES DÉBUTS DE L’ICONOSTASE

Saint Basile le Grand avait reçu une autre grâce. Lorsqu’il élevait les Saints Dons pendant la liturgie, la colombe d’or suspendue au-dessus du saint autel, mue par une force divine, battait trois fois des ailes pour indiquer la descente de l’Esprit Saint. Un jour, ce phénomène n’eut pas lieu. Comme Basile réfléchissait sur la raison de ce changement, il s’aperçut que l’un des diacres qui tenaient les ripides (disque de métal sur lesquels sont représentés les séraphins à six ailes) regardait une femme dans l’église. Basile renvoya le diacre de l’autel et lui fixa pour pénitence de jeûner pendant sept jours, de passer ses nuits en prière et de distribuer des aumônes aux pauvres. Par la suite, il fit installer un rideau qu’on baissait pendant le canon eucharistique afin qu’aucune femme ne pût regarder l’autel pendant cette partie de l’office divin; l’autel fut également séparé du reste de l’église par une grille qui devint par la suite l’iconostase. Les femmes qui désobéissaient à cette prescription devaient quitter l’église et étaient excommuniées.

L’EMPEREUR HÉRÉTIQUE

Pendant l’épiscopat de Saint Basile, l’Eglise du Christ eut à souffrir de l’empereur Valens (364-378), qui s’était laissé aveugler par l’hérésie arienne. Il était très irrité de voir Basile affermir le peuple, l’exhorter à rester fidèle à la foi orthodoxe, et présenter l’arianisme comme une doctrine haïe de Dieu. Il était déjà parvenu à déposer de nombreux évêques orthodoxes pour les remplacer par des ariens, et à convertir des évêques en place à ses thèses iniques. Aussi souffrait-il beaucoup intérieurement de voir Basile sur son trône, telle une colonne inébranlable de la foi. Lors d’une tournée sur ses terres, alors qu’il faisait route vers Antioche en persécutant les orthodoxes, il s’arrêta à Césarée de Cappadoce et entreprit de faire pencher Basile du côté des ariens. Il demanda aux généraux, aux grands seigneurs et aux conseillers d’inciter Basile à céder, par des promesses ou éventuellement par des menaces. Les courtisans se mirent à l’oeuvre et certaines femmes de la noblesse envoyèrent des eunuques pour plaider la cause impériale. Mais personne ne parvint à fléchir l’inébranlable hiérarque.
Ce fut enfin l’éparque Modeste en personne (le chef de la garde impériale et le gouverneur de l’orient) qui convoqua Basile. N’obtenant aucun résultat par ses promesses mensongères, il le menaça avec fureur de confisquer tous ses biens, de l’exiler et de le mettre à mort. Devant cette tentative d’intimidation, le saint répondit sans l’ombre d’une crainte : « Si tu me retires mes biens, tu ne t’enrichiras pas et tu ne me rendras pas pauvre. Je suppose que tu n’as pas besoin de ces vieux vêtements, ni de ces quelques livres qui font toute ma richesse. L’exil n’existe pas pour moi car je ne suis lié par aucun lieu; celui où je vis à présent n’est pas à moi et je m’accommoderai de tout endroit où l’on pourrait m’envoyer. Plus exactement, tout endroit appartient à Dieu et je n’y serais qu’étranger et pèlerin. Que peuvent me faire les souffrances ? Je suis déjà si faible qu’il est probable que le premier coup serait définitif. La mort est un bienfait pour moi, elle me conduira plus vite vers Dieu pour qui je vis et oeuvre, et que j’aspire à rejoindre depuis longtemps ». Surpris par de telles paroles, le gouverneur dit à Basile: « Personne ne m’avait encore parlé avec une telle hardiesse ! ». « Bien sûr, tu n’avais encore pas eu à t’adresser à un évêque ! Dans tous les domaines nous faisons preuve de douceur et d’humilité, mais quand il est question de Dieu ou de s’élever contre Lui, alors rien ne compte plus pour nous que Lui seul ! Le feu, l’épée, les bêtes et le fer qui déchire le corps nous réjouissent au lieu de nous effrayer ! ». Modeste s’en retourna vers l’empereur pour lui faire son rapport, exposant l’inflexibilité et l’intrépidité de Basile. « Nous sommes vaincus, Ô empereur, par cet hiérarque ! Cet homme est au-dessus des menaces, plus ferme que tout argument, plus fort que toute persuasion ! ».
Après ces événements, l’empereur défendit qu’on dérangeât Basile. Cependant, il n’entra pas en communion avec lui, car il avait honte de montrer qu’il avait changé d’idée; aussi se mit-il en quête d’un subterfuge. C’était la fête de l’Epiphanie. Le souverain pénétra dans l’église pendant que Basile célébrait et se plaça au centre avec sa suite. Par cette attitude, il voulait laisser penser qu’il était uni à l’Eglise. Il s’étonna beaucoup de l’ordre magnifique qui régnait, de la beauté du chant et des prières des fidèles, et déclara n’avoir jamais rien vu de tel dans les églises ariennes. Basile s’approcha et s’entretint avec lui des Saintes Ecritures. Cette conversation nous est parvenue par Saint Grégoire de Nazianze qui se trouvait présent ce jour-là.
Par la suite, l’empereur eut une attitude positive à l’égard de Basile. Mais ceci fut de courte durée : parvenu à Antioche, il tendit l’oreille à des calomnies, s’irrita contre le saint évêque et ordonna son exil. Cependant, au moment où il allait signer l’ordre en question, le trône sur lequel il était assis se mit à trembler et le roseau avec lequel il écrivait cassa. Il fit deux autres tentatives qui s’avérèrent aussi infructueuses. Alors sa main trembla et la peur le saisit. Discernant la puissance divine dans ces événements peu communs, il déchira le parchemin.
Cependant, les ennemis de l’orthodoxie ne s’avouèrent pas vaincus. Ils importunèrent l’empereur jusqu’à ce qu’il acceptât d’envoyer un dignitaire dénommé Athanase ramener Basile à Antioche. Parvenu à Césarée, Athanase fit part de la décision impériale à l’archevêque qui déclara : « Mon fils, j’ai appris il y a quelque temps que l’empereur a cassé trois roseaux alors qu’il allait signer un ordre de détention, sur le conseil de personnes déraisonnables qui cherchent à enténébrer la vérité. Les roseaux insensibles ont retenu son irrésistible impétuosité, préférant se briser que d’être les instruments d’une injuste sentence... ». A Antioche, Basile fut conduit devant l’éparque pour être jugé.
- Pourquoi rejettes-tu la foi que confesse l’empereur ?
- Je ne deviendrai jamais le partisan de l’enseignement impie des ariens. J’ai hérité de mes pères la foi dans la consubstantialité, doctrine que je confesse et que je glorifie !
Et comme le juge le menaçait de mort :
- Soit ! Que je souffre pour la Vérité ! Qu’on me libère des liens du corps ! Je le souhaite depuis longtemps, alors de ton côté, ne trahis pas ta promesse !.
L’éparque dut rapporter à l’empereur que Basile ne craignait pas les menaces, qu’il était impossible d’ébranler ses convictions, que son coeur était inflexible et ferme. Au comble de la rage, le souverain cherchait comment faire périr Basile. A ce moment-là, le fils de l’empereur tomba gravement malade, au point que les médecins le déclarèrent perdu. L’impératrice irritée vint trouver son époux : « Ta foi n’est pas juste et tu persécutes l’évêque de Dieu, voilà pourquoi l’adolescent va mourir ! ». L’empereur convoqua Basile et lui dit:
- Si ta foi est agréable à Dieu, alors guéris mon fils par tes prières.
- Ô, empereur ! Si tu te convertis à la foi orthodoxe et si tu accordes le repos aux églises, ton fils restera en vie.
Le souverain promit de faire ainsi. Basile éleva sans tarder ses prières vers Dieu et le Seigneur envoya au malade le soulagement attendu. Basile retrouva son trône épiscopal avec le respect dû à son rang. Mais les ariens, consumés par l’envie et la méchanceté, s’adressèrent à l’empereur en disant : « Nous aussi, nous pouvions en faire autant ! ». Ils réussirent à tromper le souverain qui les laissa célébrer le baptême de son fils. Mais hélas, dès qu’ils prirent l’enfant pour le baptiser, il mourut.
Athanase, le dignitaire dont il a été question plus haut, fut témoin de la mort subite de l’héritier du trône et en avisa personnellement l’empereur d’occident Valentinien (364-376), frère de Valens. S’étonnant d’un tel miracle, Valentinien glorifia Dieu et envoya à Basile des dons considérables avec lesquels il fit construire des hôpitaux dans toutes les villes de son diocèse, afin d’accueillir les indigents et les infirmes. Saint Grégoire de Nazianze rapporte également que les prières de saint Basile obtinrent la guérison de l’éparque Modeste qui, atteint par une pénible maladie, s’était adressé humblement au saint hiérarque après l’avoir si durement malmené par le passé.
Modeste fut par la suite remplacé dans sa charge par un parent de l’empereur dénommé Eusèbe. A ce moment-là vivait à Césarée une jeune veuve, riche et belle, du nom de Vestiane. Elle était fille de sénateur. L’éparque avait l’intention de la marier à un dignitaire, mais celle-ci désirait vivre dans la chasteté pour la gloire de Dieu, et refusait les noces. Lorsqu’elle apprit qu’on voulait s’emparer d’elle par la force, elle se précipita dans l’église aux pieds de Basile. Celui-ci la prit sous sa protection et refusa de la remettre aux gens qui venaient la chercher. Il l’envoya secrètement au couvent de moniales dirigé par Sainte Macrine, sa soeur. L’éparque en colère dépêcha des soldats à l’église pour s’emparer de la jeune femme et, comme les soldats revinrent bredouilles, il les envoya dans la chambre à coucher du saint. Ayant peu de moralité, il pensait que l’évêque avait caché la veuve chez lui avec des intentions malhonnêtes. La femme restant introuvable, il fit venir Basile chez lui, l’injuria et le menaça de supplice s’il ne lui rendait pas Vestiane. Le saint hiérarque se déclara prêt à souffrir : « Si tu ordonnes d’écorcher mon corps avec du fer, tu guériras mon foie qui, comme tu le vois, me dérange beaucoup ! ». Sur les entrefaites, les habitants de la ville eurent vent de l’affaire. Hommes et femmes se précipitèrent au palais de l’éparque en brandissant des pieux menaçants. Si Basile n’avait pas apaisé la colère populaire, l’éparque eut sans nul doute été assassiné. Eusèbe, terrorisé par la foule, laissa repartir le saint sans l’inquiéter.

LE JEUNE HOMME ET LE DIABLE

Helladius, successeur de Basile sur le trône épiscopal et témoin oculaire de ses miracles, lui-même homme vertueux et saint, raconte l’anecdote qui suit. Un sénateur orthodoxe nommé Proterius eut l’intention en visitant les lieux saints d’offrir sa fille à Dieu. Le diable, l’antique ennemi du bien, suscita chez un des esclaves du sénateur une passion pour la fille de son maître. Comprenant que son désir ne pourrait pas se concrétiser et n’osant rien dire à la jeune fille, il se rendit chez un magicien et lui confia ses difficultés. Il lui promit beaucoup d’or s’il parvenait à lui faire épouser la fille de son maître. Le magicien montra d’abord une certaine réticence, mais par la suite, il se ravisa.
- Si tu veux, je t’enverrai chez mon maître le diable. Il t’aidera si tu acceptes de faire sa volonté.
- Tout ce qu’il m’ordonnera, je promets de le faire !
- Renieras-tu le Christ et signeras-tu un engagement dans ce sens ?
- Je suis prêt à cela si je reçois ce que je désire.
- Signes cette promesse, et je te viendrai en aide !
Prenant un parchemin, le magicien écrivit au diable le message suivant : « Mon maître, je dois m’efforcer de détacher les hommes de la foi chrétienne pour les offrir à ton pouvoir, et accroître le nombre de tes sujets, aussi je t’envoie le porteur de cette lettre qui brûle de passion pour une jeune fille. Je te demande en son nom de lui accorder ton aide pour accomplir son désir. Ainsi, je te glorifierai et je t’attirerai davantage d’admirateurs ». Le magicien confia le message au jeune homme en lui disant : « Va cette nuit même au cimetière païen en élevant le parchemin au-dessus de toi. Tu verras alors apparaître ceux qui te conduiront vers le diable ! ». Le malheureux esclave partit promptement pour le cimetière où il invoqua les démons. Les esprits malins se présentèrent immédiatement et conduisirent leur victime vers leur prince. L’apercevant sur un trône élevé au milieu d’une multitude d’esprits méchants, le malheureux jeune homme lui tendit la lettre du magicien. Le diable engagea la conversation.
- Crois-tu en moi ?
- Je crois !
- Renonces-tu à ton Christ ?
- Je renonce !
-Vous, chrétiens, vous me trompez souvent quand vous me demandez de l’aide ! Lorsque vous avez obtenu ce que vous demandez, vous renoncez à moi et vous vous tournez de nouveau vers votre Christ qui, bon et miséricordieux, vous accueille. Signe-moi une promesse certifiant que tu renies librement le Christ et le baptême, et t’engages à être mien jusqu’à la fin des siècles et à supporter avec moi les souffrances éternelles après le jugement. Alors, j’accomplirai ton désir.
Prenant le parchemin, l’esclave écrivit ce que le diable lui dictait. L’engagement signé, l’antique serpent destructeur des âmes envoya les démons de la concupiscence susciter chez la jeune fille une telle passion charnelle qu’elle en tomba à terre et cria à son père : « Aie pitié de moi, aie pitié de ta fille, et marie-moi avec notre esclave que j’aime de tout mon être ! Si tu ne fais pas cela pour moi, ta fille unique, tu me verras bientôt morte dans d’atroces souffrances et tu répondras de moi le jour du jugement ! ». Entendant ce discours, le pauvre père fut terrifié, éclata en sanglots et dit : « Malheur à moi, pécheur ! Qu’est-il arrivé à ma fille ? Qui m’a ravi mon trésor ? Qui a enténébré la lumière de mes yeux ? Je voulais te fiancer à l’Epoux Céleste afin que tu sois semblable aux anges et que tu glorifies Dieu par des psaumes et des cantiques spirituels. Grâce à toi, j’espérais moi-même obtenir le salut. Et voilà que toi, impudique, tu ne parles que de mariage ! Ne me fais pas descendre à l’instant même dans la douleur du séjour des morts ! Ne souille pas ta noble condition en épousant un esclave ! ». Mais la jeune fille ne prêtait aucune attention au discours de son père et répétait sans cesse qu’elle se tuerait s’il refusait de satisfaire son désir. Ne sachant quoi faire, le père, après avoir pris le conseil de ses parents et amis, préféra accomplir la volonté de sa fille plutôt que de la voir périr d’une mort cruelle. Ayant convoqué l’esclave, il lui donna sa fille et lui fit cadeau d’une dot importante. Puis il ajouta: « Va te marier malheureuse ! Cependant, je pense que tu te repentiras beaucoup de ton acte et que tu n’en tireras aucun profit ! ».
Quelque temps après les noces, le diable étant parvenu à ses fins, on remarqua que le jeune marié n’allait pas à l’église et s’abstenait de communier aux Divins Mystères. La chose fut rapportée à la malheureuse épouse : « Ne sais-tu pas que le mari que tu as choisi n’est pas chrétien, et qu’il n’a aucune foi dans le Christ ? ». Entendant cela, la jeune femme fut très affligée, elle tomba à terre, s’écorcha le visage de ses ongles et se frappa la poitrine en disant : « Tous ceux qui désobéissent à leurs parents sont incapables de trouver le salut. Qui racontera ma honte à mon père ? Malheur à moi ! Dans quelle perdition suis-je tombée ! Pourquoi suis-je née, et pourquoi n’ai-je pas péri dès ma naissance ? ». L’entendant ainsi sangloter, son mari accourut. Ayant appris la cause de ses soucis, il tenta de la consoler en lui assurant qu’il était chrétien. Elle s’apaisa un peu et dit : « Si tu veux me convaincre complètement et chasser la tristesse de mon âme, viens avec moi à l’église demain matin et communie aux saints mystères. Alors je te croirai... » Le malheureux mari comprit qu’il ne pourrait pas cacher plus longtemps la vérité, et il se mit à raconter à contrecoeur à sa jeune épouse toutes ses mésaventures avec les démons, et comment il s’était livré au diable. Oubliant la faiblesse féminine, la jeune femme s’en fut sans tarder chez Saint Basile.
- Aie pitié de moi, disciple du Christ, aie pitié de celle qui a désobéi à la volonté de son père et qui a succombé au leurre démoniaque ! (et elle raconta toute son histoire).
Saint Basile fit venir le mari et lui demanda de confirmer tout ce que sa femme venait de lui dire.
- Oui, saint de Dieu, tout ceci est vrai ! Et même si je me tais, mes oeuvres le clament !
- Veux-tu te convertir de nouveau à notre Seigneur Jésus-Christ ?
- Oui, je le veux, mais je ne le peux pas !
- Et pourquoi donc ?
- Parce que j’ai signé la promesse de renoncer au Christ et de me livrer au diable !
- N’en sois pas attristé car Dieu est miséricordieux et Il reçoit les repentants.
- Disciple du Christ, aide-nous !
- Crois-tu que tu puisses encore trouver le salut ?
- Je crois, Seigneur, viens au secours de mon incrédulité !
Après cela, le saint le prit par la main, le bénit, et l’enferma dans une pièce située à l’intérieur de l’église en lui demandant de prier Dieu sans relâche. Lui-même demeura trois jours en prière, après lesquels il rendit visite au pénitent et lui demanda :
- Comment te sens-tu mon enfant ?
- Je suis dans un état très pénible, maître, je ne puis supporter les cris des démons, les menaces, les projectiles et les pieux. Ils tiennent ma lettre en main et m’injurient en disant : « C’est toi qui es venu à nous et non le contraire ! »
- Ne crains pas mon enfant, crois seulement !
Et, lui donnant un peu de nourriture, il le bénit et l’enferma de nouveau. Quelques jours plus tard, il lui rendit une nouvelle visite.
- Comment vas-tu mon enfant ?
- J’entends au loin les menaces et les cris, mais eux, je ne les vois pas !
L’évêque lui donna encore un peu de nourriture, pria pour lui, l’enferma, et partit. Il revint le voir le quarantième jour.
- Comment vas-tu mon enfant ?
- Bien, saint père, car je t’ai vu en rêve combattre le diable et le vaincre !
Ayant dit la prière, Basile le sortit de sa réclusion et le conduisit dans sa cellule. Au matin, il rassembla le clergé, les moines et tout le peuple. « Frères, glorifions notre Dieu miséricordieux, car le Bon Pasteur a voulu prendre sur Ses épaules la brebis égarée et la ramener à l’église. Cette nuit, nous devons implorer Sa bonté afin qu’Il vainque et couvre de honte l’ennemi de nos âmes ! ». Les fidèles se rassemblèrent dans l’église et prièrent toute la nuit pour le pécheur en répétant sans relâche : « Kyrie Eleison ! ».
Lorsque le jour se leva, Basile prit le pénitent par la main, et le conduisit à l’église rejoindre le peuple au son des psaumes et des cantiques. Et voilà qu’invisiblement, le diable vint en compagnie de sa cohorte impudente et pernicieuse arracher le jeune homme aux mains du saint. Le pauvre jeune homme s’écria : « Saint de Dieu, aide-moi ! ». Mais le diable résista avec une telle hardiesse et une telle impudicité qu’il faisait mal à Saint Basile en s’efforçant de lui arracher sa proie. Le bienheureux s’adressa à satan en ces termes :
- Meurtrier sans vergogne ! Prince des ténèbres et de la perdition, ta propre perdition n’est-elle pas suffisante que tu veuilles provoquer celle de ceux qui t’entourent ? Ne cesseras-tu jamais de poursuivre les créatures de mon Dieu ?
- Tu me blesses, Basile ! (et plusieurs entendirent cette voix)
- Que Dieu t’interdise, satan !
- Basile, tu me blesses ! Ce n’est pas moi qui suis venu à lui, c’est lui qui est venu à moi ! Il a renié son Christ et a signé cette lettre que je montrerai au Juge de l’univers le jour du jugement !
- Béni sois le Seigneur notre Dieu ! Ces gens ici rassemblés ne baisseront pas leurs bras tendus vers le ciel tant que tu ne m’auras pas donné cette lettre ! (au peuple) Elevez vos mains et répétez : « Kyrie Eleison ! »
On vit alors une foule de mains tendues vers le ciel. Les larmes coulaient et on entendait partout répéter : « Kyrie Eleison ! ». Puis tous purent voir la lettre voler dans les airs et tomber entre les mains du saint hiérarque qui se réjouit et rendit grâce à Dieu.
- Reconnais-tu, frère, cet écrit ?
- Oui, saint de Dieu, c’est la lettre que j’ai signée de mes propres mains.
Basile la déchira en morceaux devant tous et fit communier le jeune homme aux Saints Mystères, après quoi il offrit un banquet à la foule des fidèles. Par la suite, il indiqua au jeune homme une règle de vie appropriée et le rendit à sa femme. Le jeune homme ne cessa jamais de glorifier Dieu.

LE PRESBYTRE ATHANASE

Helladius nous a laissé une autre histoire concernant Saint Basile. Un beau jour, le saint évêque, illuminé par la grâce, dit à son clergé : « Allez, mes enfants, suivez-moi, nous verrons la gloire de Dieu, et nous glorifierons notre Maître ! ». Ayant ainsi parlé, il quitta la ville sans mentionner sa destination. A cette époque vivaient dans un village de la région de Césarée le presbytre Athanase et sa femme Théognia. Pendant quarante ans, ils avaient conservé leur virginité, au point que tous croyaient Théognia stérile. Les bienheureux veillaient à garder leur chasteté secrète. La sainteté de sa vie avait rendu Athanase digne de la clairvoyance spirituelle. Prévoyant l’arrivée de Saint Basile, il dit à sa femme Théognia : « Je vais travailler au champ. Toi, ma soeur, mets de l’ordre dans la maison, allume un cierge à la neuvième heure, puis sors à la rencontre du saint archevêque Basile qui viendra rendre visite aux pécheurs que nous sommes ! ». Théognia fut surprise des paroles de son maître, mais elle s’exécuta. Quand Saint Basile s’approcha de la maison, elle sortit à sa rencontre et le salua. « Es-tu en bonne santé, Théognia ? ». Terrifiée d’avoir été appelée par son nom, elle dit:
- Je suis en bonne santé, saint maître.
- Où est Athanase, ton frère ?
- Ce n’est pas mon frère, mais mon mari, et il est au champ.
- Non, il est à la maison, mais ne crains pas !
Entendant cela, elle trembla encore plus, comprenant que le saint avait pénétré leur secret. Elle tomba à ses pieds.
- Saint de Dieu, prie pour moi, la pécheresse, car je vois que tu peux faire de grandes et admirables choses !
Le saint pria pour elle et continua son chemin. Lorsqu’il pénétra dans la maison du presbytre, Athanase vint à sa rencontre, embrassa ses pieds et dit : « Comment m’est-il accordé que l’hiérarque de mon Seigneur soit venu chez moi ? ». Après l’avoir embrassé dans le Seigneur, Saint Basile lui dit : « Je suis content de t’avoir trouvé, disciple du Christ ! Allons à l’église et célébrons l’office divin ! ». Le presbytre avait coutume de jeûner tous les jours de la semaine hormis le samedi et le dimanche et ne mangeait rien en dehors du pain et de l’eau. Une fois parvenus à l’église, Saint Basile ordonna à Athanase de célébrer la liturgie, mais celui-ci refusa en disant : « Tu sais, maître, ce que dit l’Ecriture. L’inférieur est bénit par le supérieur ». Et Basile de lui répliquer : « A toutes ces bonnes oeuvres, ajoute aussi l’obéissance ! ».
Alors qu’Athanase célébrait la liturgie, Saint Basile et ceux de ses compagnons qui en étaient dignes purent voir, au moment de la consécration, le feu du Saint Esprit entourer le presbytre et le saint autel. Une fois la liturgie terminée, tous se rendirent à la maison d’Athanase où un repas fut proposé. Pendant les agapes l’archevêque demanda au presbytre :
- Où as-tu caché ton trésor ? Raconte-nous ta vie !
- Hiérarque de Dieu ! Je suis pécheur et soumis aux impôts généraux. J’ai deux paires de boeufs et je travaille moi-même avec un ouvrier. Ce que je gagne grâce à ma première paire de boeufs, je le dépense pour l’accueil des pèlerins, et ce que je reçois grâce à ma deuxième paire de boeufs me sert à payer l’impôt. Ma femme travaille à mes côtés et sert les pèlerins avec moi.
- Appelle-la donc « soeur », puisque c’est ainsi, et parle-moi de tes vertus !
- Je n’ai rien fait de bon sur la terre.
- Ouvre-moi cette porte !
- Non, hiérarque de Dieu, n’entre pas ici, car il n’y a rien en dehors des objets domestiques !
- Mais je suis justement venu pour ces choses-là !
Comme le presbytre refusait d’ouvrir la porte, Saint Basile l’ouvrit par sa prière et, pénétrant dans la pièce, découvrit un homme atteint d’une très forte lèpre qui avait déjà perdu plusieurs membres. Tous ignoraient sa présence, hormis le presbytre et sa femme.
- Pourquoi voulais-tu me cacher un tel trésor ?
- C’est un homme irritable et prompt à l’injure, et c’est pourquoi je craignais de te le montrer, de peur qu’il n’offense ta sainteté.
- Ton exploit est grand ! Laisse-moi le servir cette nuit, afin que je participe moi aussi à ta rétribution future !
Saint Basile passa toute la nuit dans une prière intense, en tête-à-tête avec le lépreux. Au matin le malade avait retrouvé son intégrité. Devant un si grand miracle, le presbytre, sa femme et tous les membres du clergé glorifièrent Dieu. L’archevêque s’entretint une dernière fois amicalement avec le père Athanase, donna un bref enseignement aux personnes présentes, et rentra chez lui.




LA VISITE DE SAINT EPHREM

Alors que Saint Ephrem le Syrien vivait au désert, la renommée de Saint Basile parvint jusqu’à lui. Il pria Dieu de bien vouloir lui montrer comment était l’archevêque de Césarée. Un jour, il eut une vision: une colonne de feu se dressait de la terre jusqu’au ciel. Une voix retentit : « Ephrem ! Ephrem ! Telle est cette colonne de feu, tel est Basile ! ». Ephrem partit sur-le-champ pour Césarée accompagné d’un interprète, car il ne parlait pas le grec. Il atteignit la grande cité Cappadocienne le jour de la Théophanie. Se mêlant à la foule pour passer inaperçu, il vit Saint Basile et son clergé, tous vêtus de clair. Frappé de la grande solennité du saint qui cheminait vers l’église, il s’adressa à son interprète en disant: « Il me semble, frère, que nous avons peiné en vain: cet homme est d’un rang si élevé... Je n’en ai jamais vu de pareil ! ». Il entra néanmoins dans l’église et se mit dans un coin. « Nous qui supportons la fatigue et la chaleur du jour, nous n’avons rien obtenu (Mt.20,12), et celui-ci, qui bénéficie d’une telle renommée et de tant d’honneurs, est une colonne de feu... Comme cela est surprenant ! ».
Alors que Saint Ephrem se faisait ces réflexions, Saint Basile fut prévenu de sa présence par l’Esprit Saint. Il appela son archidiacre et lui dit : « Va à la porte ouest de l’église, tu trouveras là un moine qui se tient dans un coin avec un petit homme presque imberbe. Dis-lui de venir à l’autel car l’archevêque l’appelle ! ». L’archidiacre se fraya avec peine un passage au milieu de la foule. S’approchant enfin d’Ephrem, il lui dit : « Père ! Rends-toi à l’autel je t’en prie, l’archevêque t’appelle ! ». Ayant entendu de la bouche de l’interprète les paroles de l’archidiacre, il fit dire à ce dernier : « Tu t’es trompé, frère, nous sommes de passage et l’archevêque ne nous connaît pas ! ». L’archidiacre s’en retourna auprès de Saint Basile qui commentait au peuple un passage de l’Ecriture Sainte. Saint Ephrem observa qu’à ce moment-là, un feu sortait de la bouche de l’archevêque. Basile dit à l’archidiacre : « Retourne voir ce moine de passage et dis-lui: Seigneur Ephrem, je t’en prie, monte à l’autel, l’archevêque t’appelle ! ». Ce que fit l’archidiacre. Ephrem fut très surpris. Il glorifia Dieu et se prosterna jusqu’à terre en disant: « En vérité, Basile est grand, l’Esprit Saint parle par sa bouche ! ». Il demanda à l’archidiacre de faire savoir à Saint Basile qu’il viendrait s’incliner devant lui à la fin du saint office dans un endroit isolé. Lorsque la célébration parvint à son terme, Saint Basile se rendit dans le lieu où l’on gardait les vases sacrés et, ayant fait venir Ephrem, il lui donna un baiser fraternel en disant : « Je te salue père, toi qui as multiplié au désert les disciples du Christ et qui as chassé les démons par Sa puissance ! Pourquoi donc avoir entrepris un tel effort pour venir voir un pécheur ? Que le Seigneur te rétribue pour cet effort ! ». S’adressant à Basile par le truchement de l’interprète, Ephrem se confessa et communia aux Saints Mystères des mains de l’archevêque, ainsi que son compagnon de route. Ensuite, Basile leur offrit un repas dans sa maison. Ephrem dit alors :
- Père très saint, je te demande une seule grâce, aie la bonté de me l’accorder !
- Dis-moi ce dont tu as besoin, j’ai une dette envers toi car tu as entrepris pour moi un très long voyage !
- Père, je sais que Dieu t’accorde tout ce que tu Lui demandes : je veux que tu obtiennes de Sa bonté qu’Il m’accorde de parler le grec.
- Ta demande outrepasse mes forces. Cependant, comme tu parles avec une ferme assurance, vénérable père et maître du désert, allons dans le temple du Seigneur et prions Celui qui peut réaliser ta prière car Il fera la volonté de ceux qui L’invoquent, Il exaucera leurs prières et Il les sauvera (Ps.144,19).
Ayant trouvé le moment propice, les deux saints partirent pour l’église où ils prièrent longuement. Puis, Saint Basile dit:
- Pourquoi, vénérable père, ne pas devenir presbytre, tu en es digne ?
- Parce que je suis pécheur, maître ! (dit Ephrem par l’interprète)
- Oh, si moi aussi j’avais tes péchés ! Prosternons-nous jusqu’à terre!
Dès qu’ils le firent, Saint Basile posa sa main sur la tête de Saint Ephrem et prononça la prière d’ordination d’un diacre. Ensuite, il dit : « Ordonne-nous à présent de nous relever de terre ! ». A ce moment précis, Saint Ephrem se mit à comprendre le grec et s’exclama en cette langue : « Protège, sauve, relève et garde, Ô Dieu, par Ta grâce! »(Ecphonèse de la petite litanie prononcée par le diacre aux vêpres de la Pentecôte). Tous glorifièrent Dieu de ce miracle. Saint Ephrem demeura encore trois jours dans la joie spirituelle de la compagnie de Saint Basile, puis il repartit en paix. Saint Basile avait ordonné diacre Saint Ephrem et presbytre son interprète.

LES ARIENS A NICÉE

Un jour, l’empereur impie Valens fit halte à Nicée. Les chefs du parti arien s’adressèrent à lui pour le prier de chasser les orthodoxes de la cathédrale, et de la leur remettre. L’empereur étant hérétique, il accéda à leur demande. L’église fut arrachée par la force aux orthodoxes et remise aux ariens. Sur les entrefaites, le souverain retourna à Constantinople, laissant la communauté orthodoxe de Nicée dans une grande tristesse. C’est alors que Saint Basile, le grand intercesseur et protecteur de l’Eglise, se rendit à Nicée. Ses ouailles vinrent le trouver dans les larmes et les sanglots et lui racontèrent quelle offense l’empereur leur avait fait subir. Le saint les consola du miel de ses paroles, puis se rendit chez l’empereur et lui dit:
- L’honneur du roi, c’est d’aimer la justice(Ps.98,3). Ô empereur! Pourquoi avoir prononcé une sentence injuste ? Pourquoi avoir chassé les orthodoxes de la sainte église pour la remettre à des hérétiques ?
Tu m’offenses de nouveau, Basile ! Il n’est pas convenable que tu agisses ainsi !
- Pour la vérité, même la mort me serait profitable !
Alors qu’ils conversaient ainsi, Démosthène, le cuisinier de l’empereur, qui souhaitait défendre la cause des ariens, fit de grossiers reproches à l’archevêque. Celui-ci lui rétorqua : « Voici que nous avons devant nous le Démosthène ignorant ! ». Le cuisinier confondu ne s’abstint pas pour autant de proférer des critiques, si bien qu’il se fit une seconde fois remettre à sa place par l’archevêque : « Ton affaire est de penser aux plats, et non à la cuisson des dogmes de l’Eglise ! ». Couvert de honte, Démosthène se tut. La controverse entre l’empereur et l’archevêque continua. Valens passait tour à tour de la honte à l’irritation. Finalement, il dit à Basile :
- Va instruire l’affaire ! Toutefois, agis de façon à ne pas paraître aider tes coreligionnaires !
- Si je juge injustement, envoie-moi en réclusion, chasse les orthodoxes et remets l’église aux ariens !
Le saint retourna donc à Nicée avec le décret impérial. Convoquant les ariens, il leur dit:
- Voici ! L’empereur m’a donné le pouvoir de vous juger avec les orthodoxes au sujet de l’église dont vous vous êtes emparés par la force !
- Juge donc, mais comme l’empereur lui-même aurait jugé !
- Ariens et orthodoxes, sortez d’ici ! Fermez l’église ensemble et mettez-y des scellés ! Les ariens mettront les leurs et les orthodoxes aussi. De chaque côté des portes, placez des gardes sûrs. Ensuite, vous, les ariens, vous prierez trois jours et trois nuits, puis vous vous approcherez de l’église. Si les portes s’ouvrent d’elles-mêmes à votre prière, que l’église soit vôtre pour l’éternité ! Sinon, nous prierons nous-mêmes pendant une nuit, puis nous nous rendrons à l’église avec des cantiques spirituels. Si elle s’ouvre pour nous, nous la posséderons pour l’éternité ! Sinon, l’église sera pour vous.
Cette proposition plut beaucoup aux ariens. Les orthodoxes de leur côté s’attristèrent, disant que l’archevêque avait jugé ainsi par crainte de l’empereur. Finalement, les deux partis fermèrent l’église, posèrent les scellés, et postèrent une garde vigilante. Après trois jours et trois nuits de prières ariennes, rien de miraculeux n’eut lieu. Pourtant les ariens répétèrent « Kyrie Eleison ! » devant l’église depuis le matin jusqu’aux vêpres. Devant leur insuccès, ils s’en allèrent honteux. Basile le Grand rassembla tous les orthodoxes, y compris les femmes et les enfants, et se rendit hors de la ville dans l’église du saint martyr Diomède (Cf.16 Août). Il y célébra une vigile de toute la nuit, à la suite de laquelle tous se dirigèrent vers la cathédrale en chantant : « Saint Dieu, Saint Fort, Saint Immortel, Aie pitié de nous ! ». Puis s’arrêtant devant les portes, Basile s’adressa au peuple : « Béni est le Dieu des chrétiens, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles ! ». D’une seule voix, le peuple répondit : « Amen ! ». Aussitôt, la terre trembla, les verrous se brisèrent, les serrures tombèrent, les scellés se fissurèrent et un fort vent de tempête ouvrit les portes si violemment qu’elles en battirent les murs. Alors Saint Basile chanta : « Levez vos portes princes et élevez-vous portes éternelles, et le Roi de gloire entrera ! »(Ps.23,7). Puis il entra dans l’église avec la multitude, célébra l’office divin et renvoya le peuple dans la joie. Devant le miracle, l’innombrable multitude des ariens rejeta l’hérésie et rejoint les rangs des orthodoxes. Lorsque l’affaire fut répétée à l’empereur, il fut très surpris et blasphéma l’hérésie arienne. Cependant, dans son aveuglement impie, il ne se convertit pas à l’orthodoxie et mourut de façon malheureuse.
En effet, au cours d’une défaite de son armée en Thrace, il fut blessé et dut s’enfuir dans une grange pleine de paille. Les soldats ennemis l’y poursuivirent et mirent le feu. C’est ainsi que près d’Adrianople (dans l’actuelle Bulgarie), l’empereur périt dans des flammes inextinguibles. Sa mort eut lieu quelques mois seulement après celle de Saint Basile.

LA CHASTETÉ DE L’ÉVÊQUE PIERRE

On calomnia un jour devant Saint Basile son frère, l’évêque Pierre. On lui reprochait de continuer à mener la vie conjugale avec sa femme, vie qu’il avait interrompue avant son sacre, car il ne convient pas à un évêque d’être marié. Ayant écouté les calomniateurs, Basile dit : « C’est une bonne chose que vous m’ayez prévenu, je vais avec vous régler cette affaire ! ». Alors que le saint approchait de Sébaste, Pierre vit en esprit l’arrivée de son frère, car lui aussi était rempli de l’Esprit de Dieu. Il vivait avec sa femme comme avec une soeur et non comme avec une épouse, c’est pourquoi, c’est le sourire aux lèvres qu’il sortit aux devants de son frère et ses compagnons. Quand il le rencontra, à huit stades de la ville, il lui dit : « Frère, tu es venu vers moi comme vers un brigand ! ». Ayant échangé un saint baiser, ils entrèrent dans la ville, prièrent dans l’église des Quarante-Martyrs et se rendirent au palais épiscopal. Voyant sa belle soeur, Basile lui dit :
- Je te salue ma soeur, ou plutôt, épouse du Seigneur ! Je suis venu à cause de toi !
- Je te salue aussi, père vénérable, il y a longtemps que je désire embrasser tes saints pieds !
- Je t’en prie, mon frère, passe cette nuit à l’église avec ta femme !
- Je ferai tout ce que tu m’ordonneras !
A la nuit tombée, Pierre s’endormit dans l’église avec sa femme. Basile s’y trouvait aussi avec cinq hommes vertueux. A minuit, il réveilla ces hommes et leur dit:
- Que voyez-vous au-dessus de mon frère et de ma belle soeur ?
- Nous voyons des anges de Dieu qui les éventent et frottent avec des baumes parfumés leur couche immaculée.
- Ne racontez à personne ce que vous avez vu !
Au matin, Basile ordonna au peuple de se rassembler dans l’église et d’apporter une braisière pleine de charbons ardents. Ensuite il dit : « Tends ton vêtement, ma vénérable belle soeur ! ». Lorsqu’elle s’exécuta, Basile demanda à ceux qui tenaient la braisière d’y verser des charbons ardents. Le saint ajouta : « Garde ces charbons dans ton vêtement tant que je ne t’aurai rien dit ! ». Il fit ensuite apporter d’autres charbons ardents et dit à son frère : « Tends ta chasuble, mon frère ! ». Comme Pierre s’exécutait à son tour, il commanda aux serviteurs d’y renverser le contenu de la braisière. Comme l’évêque et son épouse gardaient les charbons ardents dans leurs vêtements sans subir aucun mal, le peuple s’émerveilla et dit : « Le Seigneur protège Ses saints et leur accorde encore Ses bienfaits sur cette terre ! ». Quand Pierre et sa femme jetèrent les charbons sur le sol, on ne sentit aucune odeur de combustion et les vêtements étaient intacts. Basile demanda alors aux cinq hommes vertueux de raconter ce qu’ils avaient vu pendant la nuit et ceux-ci relatèrent en détails l’apparition des anges. Tous rendirent grâce à Dieu de purifier Ses saints de la calomnie des hommes.

LA VEUVE PÉCHERESSE

A l’époque de Saint Basile vivait à Césarée une veuve richissime, issue d’une grande famille. Cette veuve vivait dans la luxure, soignait beaucoup son corps, et se livrait depuis des années au péché de l’adultère. Mais Dieu qui veut que tous se repentent (2Pi.3,8) toucha le coeur de cette pauvre femme qui commença à regretter sa vie de péché. Un jour, comme elle se trouvait seule, elle médita sur la multitude de ses péchés et pleura amèrement : « Malheur à moi, pécheresse et adultère ! Comment répondrai-je au juste Juge des péchés que j’ai commis ? J’ai souillé le temple de mon corps et j’ai corrompu mon âme. Malheur à moi, la pire des pécheresses ! A qui suis-je comparable pour mes péchés ? A la femme adultère, ou au publicain ? Personne n’a péché autant que moi ! Le plus terrible, c’est que j’ai fait tout ce mal après avoir reçu le baptême ! Comment savoir si Dieu acceptera mon repentir ? ». En sanglotant ainsi, elle se souvint de tout ce qu’elle avait fait depuis sa jeunesse. Elle s’assit donc et inscrivit tous ses péchés sur un parchemin, en terminant par le plus gros. Puis elle cacheta le parchemin avec un sceau de plomb.
Choisissant un moment où Saint Basile se rendait à l’église, elle se précipita vers lui avec le parchemin, se jeta à ses pieds et lui dit : « Aie pitié de moi, hiérarque de Dieu ! J’ai péché plus que tous ! ». Le saint s’arrêta pour lui demander ce qu’elle voulait. Elle lui tendit le parchemin et dit : « Voilà, maître, j’ai inscrit tous mes péchés et toutes mes iniquités sur ce parchemin et je l’ai cacheté. Ne le lis pas et n’enlève pas le cachet, mais purifie-moi par ta prière, car je crois que Celui qui m’a donné cette pensée t’entendra quand tu prieras pour moi ! ». Prenant le papier, Saint Basile leva les yeux au ciel et dit: « Seigneur ! Toi seul peut accomplir cela ! Si Tu as pris sur Toi les péchés du monde entier, Tu peux purifier les péchés de cette âme ! Bien que Tu connaisses tous nos péchés un par un, Ta miséricorde est sans limites et incommensurable ! ». Puis il entra dans l’église avec le parchemin, se prosterna devant l’autel, et passa la nuit à prier pour cette femme. Au matin, il célébra l’office divin, appela la femme et lui rendit le parchemin scellé en disant : « Sais-tu, femme, que personne ne peut pardonner les péchés que Dieu seul ? (Mc.2,8) ». « J’ai entendu cela, vénéré père, et c’est pourquoi je t’ai dérangé pour que tu implores Sa bonté ». Ayant dit cela, la veuve brisa le sceau du parchemin et vit que tous les péchés avaient été effacés, sauf le plus lourd qu’elle avait inscrit en dernier. Elle en fut terrifiée et tomba aux pieds du saint en se frappant la poitrine : « Aie pitié, serviteur du Dieu Très-Haut ! Tu as fait preuve de miséricorde pour toutes mes iniquités, tu as imploré Dieu pour elles, implore-Le aussi pour ce péché afin que j’en sois purifiée ! ». Pris de pitié, l’archevêque lui dit : « Relève-toi, femme, car je suis moi-même pécheur et j’ai besoin de pitié et de pardon. Celui qui a effacé tous les autres péchés peut effacer aussi le dernier ! Si à l’avenir tu t’abstiens du péché pour marcher sur la voie du Seigneur, non seulement tu seras pardonnée, mais tu seras digne de la glorification céleste. Voilà mon conseil : rends-toi au désert, tu y trouveras un homme saint dénommé Ephrem; tends-lui ce parchemin et demande-lui d’implorer ton pardon auprès de notre Dieu Ami des hommes ». La femme suivit le conseil et partit pour le désert. Après avoir longtemps marché, elle trouva la cellule du bienheureux Ephrem. Frappant à la porte, elle dit :
- Père saint ! Aie pitié d’une pécheresse !
- Eloigne-toi de moi, femme, car je suis aussi pécheur et j’ai besoin de l’aide des autres !
- L’archevêque Basile m’a envoyée chez toi pour que tu pries Dieu de me purifier du péché inscrit sur ce parchemin. Il m’a déjà purifiée des autres péchés. Ne refuse pas de prier car c’est vers toi que j’ai été envoyée !
- Non, mon enfant, celui qui a pu implorer Dieu pour de nombreux péchés peut d’autant plus L’implorer pour un seul. Va sans tarder le trouver pendant qu’il est en vie, fais vite avant qu’il ne soit parti vers le Seigneur !
La femme salua le saint et revint à Césarée où elle rencontra le cortège qui emportait Saint Basile au tombeau. La pauvre veuve sanglota bruyamment, se jeta à terre et s’adressa au saint comme s’il eût été vivant : « Malheur à moi, saint hiérarque de Dieu ! Malheur à moi, misérable ! Est-ce pour cela que tu m’as envoyée au désert ? Tu voulais quitter cette vie sans que je t’importune ! Je suis revenue les mains vides, j’ai accompli inutilement ce long voyage au désert ! Que Dieu juge et voie que tu m’as envoyée vers un autre alors que tu pouvais toi-même m’apporter ton aide ! ». Contant à tous son infortune, elle jeta le parchemin sur la couche du saint. Un des clercs, voulant voir ce qui était écrit, prit le parchemin mais n’y trouva aucune inscription ! « Il n’y a rien là-dessus, tu t’attristes à tort, ignorant l’ineffable miséricorde que Dieu a manifestée pour toi ! ». Et tout le peuple glorifia Dieu d’accorder à Ses serviteurs un tel pouvoir après leur mort.

LE MÉDECIN JUIF

A Césarée vivait un juif dénommé Joseph. Il était si bon médecin qu’il pouvait prévoir la mort d’un patient à la seule vue du mouvement du sang dans les veines. Devinant sa future conversion au christianisme, notre père Basile l’aimait beaucoup, et l’invitait souvent à venir s’entretenir avec lui, s’efforçant de le convaincre de renoncer au judaïsme pour accepter le saint baptême. Mais Joseph refusait toujours :
- Je suis né dans une foi, et c’est dans celle-là que je veux mourir.
- Crois-moi : ni toi ni moi ne mourrons avant que tu ne sois né de l’eau et de l’Esprit ! Sans cette grâce en effet, on ne peut pas rentrer dans le Royaume de Dieu. Tes pères n’ont-ils pas été baptisés dans la nuée et dans la mer ? N’ont-ils pas bu de l’eau du rocher préfigurant le Rocher Spirituel qu’est le Christ né de la Vierge pour notre salut ? Tes pères ont crucifié le Christ, mais Il est ressuscité le troisième jour et, une fois monté aux cieux, Il s’est assis à la droite du Père d’où Il reviendra pour juger les vivants et les morts.
Bien que le saint lui ait dit bien d’autres choses utiles à l’âme, le juif persistait dans son incroyance. Peu de temps avant de mourir, saint Basile tomba malade, et il fit appeler le juif en prétextant qu’il avait besoin d’un médecin.
- Que dis-tu de mon cas, Joseph ?
- Il faut tout préparer pour l’enterrement car la mort viendra d’une minute à l’autre !
- Tu ne sais pas ce que tu dis !
- Crois-moi, maître, ta mort viendra avant le coucher du soleil !
- Si je suis en vie au matin, et même à la sixième heure, que feras-tu ?
- Que je meure moi aussi...
- ... pour le péché, afin de vivre pour Dieu !
- Je sais de quoi tu parles, maître, et je jure que si tu vis jusqu’au matin je réaliserai ton désir !
Alors Saint Basile se mit à prier Dieu de prolonger sa vie pour le salut de l’âme de ce juif, et sa demande fut acceptée. Au matin, il envoya un serviteur chercher Joseph. Ce dernier refusa de croire que Basile était vivant. Toutefois, il se rendit à son chevet pour le voir mort. En constatant qu’il était en vie, il eut comme une extase et tomba aux pieds du saint en disant :
- Grand est le Dieu des chrétiens ! Il n’y a pas d’autre Dieu en dehors de Lui ! Je renie le judaïsme impie et je me convertis à la vraie foi, la foi chrétienne ! Père Saint, ordonne que le saint baptême me soit conféré ainsi qu’à toute ma maisonnée !
- Je te baptiserai moi-même de mes propres mains !
- Tes forces se sont affaiblies, maître, ton être est épuisé à l’extrême ! Tu ne pourras pas me baptiser toi-même !
- Nous avons un Créateur qui nous affermit !
Saint Basile se leva, entra dans l’église, et baptisa le juif et toute sa famille devant le peuple. Il célébra même la liturgie, et fit communier le nouveau baptisé auquel il avait donné le nom de Jean. Il adressa encore au nouveau chrétien un enseignement sur la vie future, dit quelques paroles édifiantes à son troupeau spirituel et demeura à l’église jusqu’à la neuvième heure. Puis il donna à chacun le baiser d’adieu, demanda pardon à tous, rendit grâce à Dieu pour tous Ses bienfaits ineffables, et remit au Seigneur son âme sainte.
Il s’unit au choeur des saints évêques défunts et des grands prédicateurs de l’Eglise le premier janvier 379, sous le règne de Gratien, fils de Valentinien.
Voyant que Basile était mort, Jean le nouveau baptisé inonda le visage du saint de ses larmes en disant : « En vérité, serviteur de Dieu Basile, même à présent, tu ne serais pas mort si tu ne l’avais pas voulu toi-même! ».
L’enterrement de Saint Basile était à lui seul significatif du respect dont il était entouré. Les chrétiens et même les juifs se précipitèrent sur son cercueil pour l’arroser de leurs larmes. Saint Grégoire de Nazianze assista aussi à l’enterrement de saint Basile et pleura beaucoup. Les évêques rassemblés chantèrent des cantiques funèbres et ensevelirent la précieuse relique du grand et saint serviteur de Dieu Basile dans l’église de saint Eupsychius en glorifiant le Dieu Un dans la Trinité. Gloire à Dieu dans les siècles ! Amen.
On ignore où se trouvent aujourd’hui les reliques de saint Basile. La Laure de Saint Athanase au mont Athos abrite son crâne. Selon des sources occidentales, son corps fut exhumé par les croisés et transporté en Flandres. Pour ses mérites dans l’Eglise, sa vie ascétique et hautement morale, Saint Basile fut appelé « le Grand ». Il est glorifié comme «gloire et ornement de l’Eglise », « luminaire et oeil de l’univers », « maître des dogmes », « temple du savoir » et « guide de la vie ».

Par les prières de Ton saint Hiérarque, Seigneur Jésus christ aie pitié de nous et sauve nous. Amen.

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mardi 20 janvier 2009

DE LA PATIENCE (SAINT EPHREM LE SYRIEN)


Celui qui désire plaire à Dieu et devenir Son héritier par la foi, qui souhaite être appelé fils de Dieu et naître de l'Esprit Saint, doit avant tout s'engager dans la voie de la magnanimité et de la patience, et supporter courageusement les tribulations qu'il rencontre, les malheurs et les besoins, les maladies, les outrages et les offenses des hommes, et les diverses afflictions invisibles dressées contre son âme par les esprits malins. Ces derniers cherchent en effet à provoquer l'affaiblissement, la négligence et l'impatience, afin d'obstruer l'accès à la Vie. Tout ceci est permis par Dieu dans Son économie. Il veut que toute âme soit éprouvée par différentes tribulations, afin que soit manifesté l'amour qu'elle a pour Lui. Le courage de l'âme qui supporte ce que le malin lui envoie sans perdre espoir, en attendant patiemment et avec foi d'être libérée par la grâce, est la preuve de cet amour. C'est par ce courage que l'âme atteint l'état qui lui permet de supporter toutes les épreuves. En accédant ainsi à la promesse, elle devient digne du Royaume.
Pour cela, elle doit porter quotidiennement sa croix, suivant la parole du Seigneur (Mt.10,38). Elle doit être prête à supporter pour le Christ toutes sortes de tentations et de tribulations, manifestes ou secrètes, et s'affermir constamment dans le Seigneur par l'espérance. Car le Seigneur a le pouvoir de permettre que l'âme soit soumise à la tribulation, mais aussi celui de la libérer des tentations et des afflictions. Si, au lieu de s'armer de courage et de fermeté dans les épreuves et les tribulations, elle s'afflige, se décourage, s'indigne, s'inquiète, et néglige l'exploit spirituel, allant même jusqu'à désespérer de la libération, c'est qu'elle n'a pas une foi inébranlable en la grâce de Dieu : elle ne sera certainement pas jugée digne de la Vie, comme le furent tous les saints qui suivirent les traces du Seigneur. On comprend alors quel intérêt le malin trouve à la précipiter dans l'acédie et la négligence.
Regardez et observez comment, depuis les temps anciens, les Patriarches, les Prophètes, les Apôtres, les Martyrs et les Pères se sont rendus agréables à Dieu sur cette voie des tribulations et des afflictions. En supportant courageusement des situations difficiles, ils se réjouissaient dans l'espérance de la rétribution : « Si tu prétends servir le Seigneur, prépare-toi à l'épreuve, fais-toi un coeur droit, arme-toi de courage »(Sirah 2,1-2); « Si vous êtes exempts du châtiment auquel tous ont part, vous êtes des enfants illégitimes et non des fils » (Hb.12,8). Tout ce qui vous advient, acceptez-le comme un bien sachant que rien n'advient sans Dieu; « Bienheureux serez-vous, lorsqu'on vous outragera, qu'on vous persécutera et qu'on dira faussement de vous toute sorte de mal à cause de Moi. Réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux »(Mt.5,11); « Bienheureux ceux qui sont persécutés pour la justice car le Royaume des cieux est à eux »(Mt.5,10). Ces paroles concernent ceux qui sont ouvertement persécutés par les hommes, et également ceux qui sont secrètement persécutés par les esprits malins. Ces derniers combattent ceux qui aiment Dieu par diverses tribulations, pour les empêcher d'entrer dans la Vie. Ces tribulations peuvent aller jusqu'à l'exil, mais, en patientant, en gardant la confiance jusqu'à la fin, en témoignant de son espérance de la libération, l'âme éprouvée montre qu'elle aime vraiment Dieu. En revanche, l'âme angoissée, négligente, à l'espérance faiblissante, montre qu'elle n'aime pas Dieu véritablement. Les diverses tribulations et tentations révèlent les âmes méritantes, celles qui ont la foi, l'espérance et la patience. De cette manière, si une âme s'avère digne, fidèle et méritante, si elle patiente jusqu'à la fin, si elle garde l'espérance de la foi, alors elle sera libérée, et, par grâce, elle héritera du Royaume en toute justice.
Il convient donc qu'une âme qui désire plaire à Dieu garde avant tout une patience pleine de courage et d'espérance, qui lui permettra de résister à toute tribulation et toute attaque du malin. Dieu ne permet pas qu'une âme qui espère patiemment en Lui soit tentée jusqu'au désespoir, ou bien qu'elle doive affronter des tentations et des tribulations insupportables : « Dieu Qui est fidèle ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces »(1Cor.10,13). Le malin ne peut tenter l'âme ou l'accabler de tribulations à sa guise, mais seulement dans les limites fixées par Dieu. L'âme doit supporter courageusement et demeurer dans l'espérance de la foi; elle doit attendre de Dieu aide et assistance, en sachant qu'il est impossible qu'elle soit abandonnée. Plus l'âme accomplit ses exploits en ayant recours à Dieu dans la foi et l'espérance, attendant de Lui sans douter soutien et libération, plus vite le Seigneur la libérera des afflictions qui l'envahissent. Dieu sait dans quelle mesure l'âme doit être soumise à l'épreuve de la tentation, et Il l'autorise précisément dans cette juste mesure. L'âme doit cependant patienter jusqu'à la fin sans céder à l'accablement, car il est dit : « L'affliction produit la persévérance, la persévérance la victoire dans l'épreuve et cette victoire, l'espérance. Or l'espérance ne trompe point »(Rom.5,3-5). « Nous nous recommandons en tout comme serviteur de Dieu, par beaucoup de patience dans les tribulations, dans les calamités, dans les détresses »(2Cor.6,4). « Celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé »(Mt.10,22). « Par votre patience vous sauverez vos âmes »(Luc21,19). « Qui donc, confiant dans le Seigneur, a été confondu ? Ou qui, persévérant dans Sa crainte, a été abandonné ? Ou qui L'a imploré sans avoir été écouté ? »(Sirah2,10).
Il n'y a pas besoin d'une grande intelligence pour juger du poids que peut porter une bête de somme, comme le mulet ou le chameau. Le potier sait qu'il faut mettre le vase au four pour durcir l'argile, il sait aussi combien de temps la cuisson doit durer, il connait la limite à ne pas dépasser pour ne pas gâcher irrémédiablement son ouvrage. Puisque les hommes ont tant de discernement et de connaissances pour juger des choses visibles, comment douter que Dieu, dans Son inconcevable sagesse (Lui Qui est d'ailleurs la Sagesse parfaite), ne mesure avec exactitude quelle quantité d'épreuves et de tentations les âmes qui veulent Lui être agréables et hériter de la vie éternelle doivent supporter dans la patience, le courage, l'empressement et l'espérance ?
Pour pouvoir tiller les fils les plus fins, il faut macquer le chanvre de nombreuses fois; plus il est broyé, plus il devient pur et bon pour le tillage. Une âme qui aime Dieu et qui supporte courageusement de nombreuses épreuves, tentations et tribulations, se purifie comme le chanvre, s'adapte plus facilement à l'affinage spirituel, et devient digne d'hériter le Royaume Céleste.
Un vase fraichement modelé qui vient d'entrer au four est inutilisable. Un petit enfant est inapte au monde des adultes car il ne peut ni construire des villes, ni planter, ni semer, ni accomplir aucune autre tâche utile. L'âme qui vit sa petite enfance spirituelle est maintenue par la grâce de Dieu dans la jouissance et le repos de l'esprit, à l'écart des tentations et tribulations infligées par les esprits malins qui pourraient révéler sa patience. Elle ne convient pas au Royaume car il est dit : « Si vous êtes exempts du châtiment auquel tous ont part, vous êtes des enfants illégitimes et non des fils »(Hb.12,8). Les tentations et les tribulations sont utiles, elles rendent l'âme ferme et apte, à condition qu'elle supporte tout ce qui lui advient avec courage, bonne volonté, confiance en Dieu, espérance, et foi inébranlable dans sa libération par la miséricorde du Seigneur. Il est impossible qu'elle ne reçoive pas la promesse de l'Esprit et l'affranchissement des passions coupables, pourvu qu'elle s'en rende digne par sa fidélité et sa patience, en espérant jusqu'à la fin dans le Seigneur.
Les saints martyrs ont supporté de nombreuses souffrances, ils se sont approchés de la mort en espérant dans le Seigneur, ils ont gardé une foi droite et, montrant ainsi leur aptitude, ils ont été dignes de recevoir les couronnes de Vérité. Ceux qui endurèrent davantage de souffrances, ou les plus pénibles d'entre elles, acquirent une gloire plus grande et une plus grande audace devant Dieu. Ceux qui, en revanche, par crainte des tribulations et des flagellations, renièrent la foi avant la fin, furent lâches ici-bas et seront confondus le jour du jugement.
Il en va de même pour les âmes qui sont livrées aux tribulations pour subir le martyre invisible de la part des esprits malins. Elles sont écrasées sous le fardeau intérieur des tentations et des pensées malignes, ou encore des souffrances corporelles manifestes. Si elles patientent courageusement et espèrent la rétribution du Seigneur, alors la couronne de vérité sera méritée, et avec elle la délivrance intérieure, et la même audace devant Dieu le jour du jugement que celle des martyrs. La souffrance est en effet la même. Pour les unes, elle vient sur la croix; pour les autres, elle vient des esprits malins qui agissent dans le secret. Plus grandes sont les tribulations et les attaques du malin supportées jusqu'au bout dans l'espérance, plus grande sera la gloire auprès de Dieu. Dès ici-bas, selon la force de leur espérance, elles reçoivent la consolation de l'Esprit, et là-haut, elles deviennent héritières des biens éternels du Royaume. En revanche, les âmes qui cèdent à la peur et à la négligence, à l'impatience et au désespoir (faute d'avoir supporté les tribulations), qui s'écartent du droit chemin et n'attendent pas jusqu'au bout la miséricorde de Dieu, qui en somme se révèlent injustes, comment pourraient-elles trouver la Vie éternelle ? Car en face du Seigneur qui est mort pour nous, toute âme se doit d'être courageuse jusqu'à la mort, de patienter jusqu'à la fin, et de garder l'espérance en Celui qui peut la rendre digne du salut éternel.
Tous ceux qui désirent être affranchis de la géhenne éternelle dans laquelle souffrent les pécheurs et trouver le Royaume doivent supporter constamment ici-bas les tribulations infligées sous la forme des tentations du malin. S'ils supportent jusqu'à la fin, s'ils attendent avec foi la miséricorde du Seigneur, alors la grâce les libère des tentations et des tribulations, ils deviennent capables de communier intérieurement à l'Esprit Saint, et ils échapperont à la géhenne dans la vie future pour hériter du Royaume du Seigneur. Le Seigneur Lui-même a dit que tel est le chemin qui mène à la Vie, étroit et resséré, et c'est pourquoi il y en a peu qui le suivent.
Puisqu'un tel espoir et de telles promesses nous sont donnés par Dieu Qui est fidèle, supportons courageusement tout soulèvement du malin et toute tribulation, dans l'espérance de ce qui nous est préparé aux cieux. Quelles que soient les tribulations que nous supportons pour le Seigneur, elles ne peuvent être comparées ni à la vie éternelle qui nous est promise, ni à la consolation que l'Esprit Saint envoie d'en-haut aux âmes qui patientent, ni à la libération des ténèbres du péché, ni à la remise de la dette que nous avons contractée pour la multitude de nos transgressions. « Nous sommes jugés, nous sommes châtiés par le Seigneur afin que nous ne soyons pas condamnés avec le monde ». « Les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous »(Rom.8,18). Soyons prêts, comme de courageux soldats, à mourir pour notre Roi. Lorsque nous étions dans le monde à vaquer aux choses du monde, nous n'avions pas tant à supporter, nous n'étions pas soumis à de telles tribulations, mais à présent, le malin dresse tout ceci contre nous car nous avons décidé d'être agréables à Dieu. Nous supportons tout ceci pour le Seigneur car le malin nous envie, il s'efforce de nous détourner du chemin de la Vie, de nous affaiblir, de nous inciter à la négligence, afin que nous ne soyons pas sauvés en ayant été agréables à Dieu. Cependant, le malin a beau s'élever contre nous, nous pouvons toujours acquérir le courage par la patience. Si nous demeurons fermes, zêlés et attentifs, si nous promettons de supporter tout jusqu'à la mort elle-même par espérance dans le Christ, alors toutes les astuces de l'ennemi seront anéanties : le Christ sera notre défenseur, Il donnera aux affligés que nous sommes la patience et le Royaume en rétribution de nos efforts, Il couvrira nos ennemis d'opprobre. Soyons semblables à l'enclume : même si on nous frappe, ne montrons pas sur nous-mêmes les marques de la flagellation des tentations, de la négligence ou de l'acédie. Quand nous recevons des coups, quand nous sommes soumis à la persécution, vainquons l'adversaire par la patience.
Le Seigneur a accompli Son exploit en étant flagelé, outragé, chassé, raillé, couvert de crachats, soumis par les iniques à la mort honteuse de la croix. Il a supporté tout cela pour notre salut, en nous indiquant la voie à suivre, nous montrant que, de même que Lui-même avait marché sur le chemin des tribulations, des tentations, et de la mort, il faudrait que ceux qui croient en Lui et souhaitent devenir Ses héritiers fassent la même chose. Il subit de nombreuses souffrances, mourut sur la Croix, puis condamna et mit à mort le péché, dépouillant les forces adverses en se dépouillant de Sa chair : « Il a dépouillé les dominations et les autorités » sur la croix, « Il les a livrées publiquement au spectacle en les traînant dans Son cortège »(Col.2,15). Nous devons aussi supporter tout soulèvement du malin et toute tribulation avec courage, jusqu'à la mort s'il le faut. Si nous nous opposons à l'adversaire dans la foi, la patience et l'espérance dans le Seigneur, si nous parvenons ainsi à nous rendre dignes ici-bas déjà d'être libérés et d'être remplis de la sainteté de l'Esprit Saint, alors nous hériterons là-bas de la Vie éternelle. Dans la vie spirituelle, la victoire sur l'adversaire s'acquiert par les souffrances et la mort pour le Seigneur.
C'est pourquoi il ne faut pas que nous trouvions pénibles et cruelles nos tentations et nos tribulations. Au contraire, elles devraient nous paraître légères. Opposons-nous à tout soulèvement de l'ennemi en ayant toujours la mort du Seigneur devant nos yeux et, comme le Seigneur l'a dit Lui-même, en portant quotidiennement notre croix, c'est-à-dire la mort. Suivons-Le et supportons de bonne grâce toute tribulation, cachée ou extérieure. Si nous nous attendons à affronter la mort elle-même pour le Seigneur, si nous la désirons et l'avons constamment sous les yeux, alors il sera facile de supporter de bon gré et avec joie toute tribulation, aussi pénible soit elle. Si au contraire, nous manquons de patience et trouvons nos tribulations pénibles, c'est que nous n'avons pas constamment devant les yeux la mort du Seigneur, et que notre pensée n'est pas fixée sur Lui avec amour. Celui qui désire être l'héritier du Christ doit donc désirer souffrir comme le Christ Lui-même a souffert. On reconnaît ceux qui aiment le Christ à ce qu'ils supportent toute tribulation avec courage et espérance dans le Seigneur. Prions donc le Seigneur de nous accorder le discernement afin de pouvoir reconnaître Sa volonté, de pouvoir l'accomplir avec zèle, patience et magnanimité, avec la joie que Lui-même nous accorde pour nous affermir dans les oeuvres agréables à Dieu. Puissions-nous ainsi nous montrer aptes et dignes de Lui, et trouver le salut éternel en Jésus-Christ, notre Seigneur, à Qui reviennent toute gloire, puissance et force dans les siècles des siècles, amen !
De quoi les gens négligents, paresseux et indifférents pourront-ils se vanter ? De leur mollesse, de leur insouciance, de leur perdition ? Malheur à eux pour leur négligence ! Venez, mes amis ! Faisons un effort ! Prosternons-nous devant Dieu, ne cessons pas de pleurer, versons devant Lui des larmes afin qu'Il accorde à nos âmes l'illumination ! Comprenons les astuces de notre ennemi et adversaire, qui hait le bien et dispose sur notre chemin les tentations et les scandales, les nuisances et l'avidité, les présomptions de ce siècle, le plaisir charnel, l'illusion d'une vie terrestre éternelle, la crainte de l'ascèse, la paresse dans la prière, la somnolence dans les psalmodies et le repos corporel ! Plus il se donne du mal, et plus nous sommes négligents et insouciants ! Plus il est astucieux, et plus nous sommes paresseux, tout en sachant que nos jours sont comptés, que le moment approche où le Seigneur de gloire viendra dans Sa magnificence et Sa beauté, avec les Puissances de Son Royaume, afin de rétribuer chacun selon ses oeuvres ! Je crains, mes frères, que ne s'accomplisse pour nous la parole du Seigneur : « Il en viendra de l'orient et de l'occident, du nord et du midi, et ils se mettront à table avec Abraham, Isaac et Jacob dans le Royaume des Cieux, tandis que les fils du Royaume seront jetés dehors ! »(Mt.8,11-12).
Je T'en prie, Ô Christ, Lumière de Vérité, Image du Père Béni et Rayonnement de Sa Personne, Toi qui sièges à la droite de Sa majesté, Fils inconcevable, Christ Dieu inconcevable, Gloire et Joie de ceux qui T'aiment, Christ ma vie, sauve le pécheur que je suis, et dans Ton Royaume, ne me rétribue pas selon mes oeuvres, mais sauve-moi par Ta grâce, sois miséricordieux envers moi dans Ta bonté, Toi qui es béni et glorifié dans les siècles des siècles ! Amen.